Qui veut gagner des milliards ?

1590
⏱ Lecture 2 mn.

Il se peut que vous n’ayez jamais entendu parler de Bérangère Couillard. C’est normal. Elle n’est « que » la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, et l’effondrement de la biodiversité n’est « que » l’une des menaces qui obèrent l’avenir de notre espèce, parmi quelques autres…

On n’a guère entendu Mme Couillard pendant la discussion au parlement du projet de loi de finances pour 2023. Sans doute était-elle trop absorbée par la lecture du rapport intitulé Le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité pour 2030, rédigé par cinq inspecteurs des Finances, une inspectrice générale du Développement durable et une ingénieure générale. Nul écolo hirsute dans ce panel, hein, que du très sérieux, de la tête bien faite et bien pleine. Daté de novembre 2022, ce rapport n’a été rendu public que le 6 janvier dernier… trois semaines après le vote de la loi de finances. Comme c’est bête !

Ses enseignements sont sans appel : « En dépit de son effondrement, écrivent les inspecteurs, la biodiversité fait l’objet de moyens financiers et stratégiques publics limités au regard des enjeux et des engagements pris par la France au niveau international et européen ». Mais il y a pire : « A contrario, poursuivent-ils, les subventions dommageables à la biodiversité, qui concernent essentiellement les aides agricoles et les aides favorisant l’artificialisation des sols (logement, transports), sont au moins quatre fois plus élevées que les dépenses favorables à sa préservation et à sa restauration. »

En chiffres, cela donne près de 2,3 milliards d’euros de dépenses publiques directement favorables à la biodiversité (aires protégées, préservation des espèces, restauration écologique, protection du milieu marin, connaissance, police de l’environnement) d’un côté.

Et de l’autre côté, les inspecteurs estiment que les subventions dommageables à la biodiversité représentent un minimum de 10,2 milliards d’euros en 2022, soit un montant 4,4 fois supérieur à celui des dépenses favorables. A titre de comparaison, la réforme des retraites qui menace de mettre la France à l’arrêt est conçue pour rapporter à l’État 17 milliards en 2030. Renonçons à ces 10 milliards de dépenses néfastes, et plus de la moitié du gain espéré serait déjà acquise… sans même attendre 2030, et sans nervous breakdown syndical !

Les auteurs du rapport en concluent logiquement que la réduction ou la réorientation de certaines dépenses (recentrage des aides au logement, réévaluation des projets de nouvelles routes, revue des niches fiscales portant sur la taxe d’aménagement, réorientation de la PAC) doit être « la priorité en matière de politiques de biodiversité ».

Voilà un joli chantier sur lequel Mme Couillard n’a manifesté aucune intention de se mobiliser, opposant à ces révélations un silence marmoréen.

La prédécesseure de Mme Couillard s’appelait Bérangère Abba, promptement retombée dans les profondeurs d’un anonymat dont elle ne s’était, de fait, jamais vraiment extraite. Une conclusion s’impose : sous le Macronat, la seule compétence requise pour postuler à cette fonction est de se prénommer Bérangère.

A l’Élysée, plus personne ne dit « un pot de fleurs » ou « une jardinière ». On dit « une bérangère », et tout le monde comprend.