Oh punaise !

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Elle est à vomir, la ritournelle entonnée mezza voce sur CNews par Pascal Praud, reprise à pleins poumons par le chœur immense des décérébrés bollorisés, qui établit un lien entre la supposée « grande invasion » de punaises de lit et l’arrivée de migrants aux frontières de l’Europe. Elle est à vomir dans sa version brutalement raciste (« ces punaises, elles viennent bien de quelque part, hein… »). Elle est à vomir dans sa version suavement charitable (« ces pauvres gens vivent dans la misère, donc dans la saleté, et ça attire les insectes »). Imputer à des gens dont le rêve ultime serait d’avoir un lit la prolifération des punaises qui vont avec, voilà qui est osé ! Si M. Praud et ses choristes veulent se débarrasser des punaises qui les hantent, on peut leur recommander le bain glacé au large de Lampedusa : elles y survivent rarement.

Peut-être faut-il rappeler quelques réalités : s’il y a une augmentation régulière et soutenue des infestations depuis des années, rien ne permet de parler d’une explosion récente -autre que médiatique- du phénomène. Les punaises affectent toutes les classes sociales, indépendamment des conditions de vie. Ce qui les propage, c’est la multiplication des voyages et notamment des courts séjours touristiques : Airbnb est un pourvoyeur bien plus prolifique que tous les passeurs libyens réunis ! Les presque 80 millions de passagers qui décollent ou atterrissent à Roissy chaque année sont, statistiquement, beaucoup plus dangereux que les quelques milliers d’exilés qui parviennent à nos frontières. Et sur le chemin de Compostelle, les pèlerins propres sur eux qui marchent chaque jour de gîte en refuge trimballent dans leur barda plus de punaises que de prières, au point que depuis des décennies la plupart des hébergements interdisent l’accès des sacs à dos aux chambres ou aux dortoirs.

On pourrait assigner un objectif de salubrité publique aux États-généraux de l’information, qui viennent de s’ouvrir dans une assourdissante indifférence : trouver enfin le moyen d’éradiquer les punaises médiatiques, infiniment plus sournoises et toxiques que leurs consœurs matelassières.