18,6 °C à Strasbourg, 18 °C à Rennes, 20 °C à Marseille… Ce samedi 31 décembre 2022 marque la pire journée de l’année, avec 8,3°C d’excédent thermique par rapport aux normales de saison, selon Météo France. A 20 :00, à l’heure de tartiner les toasts de l’apéro, on cède à la tradition républicaine en accordant une oreille distraite au babil présidentiel. « Je nous souhaite de vivre 2023, autant que possible, en pays uni et solidaire… blablabla » (qui est contre ?) … « Dans les responsabilités qui sont les miennes, je ne perds jamais de vue cet impératif d’unité de la nation que nous formons tous ensemble… blablabla ».
Soudain, dans ce flot d’eau bénite, une phrase émerge : « Qui aurait pu prédire […] la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? »
Qui aurait pu prédire la crise climatique ??? C’est une blague ? Après 27 COP climat, dont la dernière vient de s’achever en Égypte et une précédente s’est tenue à Paris ? Après six rapports du Groupe intergouvernemental pour l’étude du climat (GIEC) dont chacun est plus alarmiste que le précédent et toujours trop prudent par rapport à la réalité ? Vingt ans exactement après la phrase restée célèbre d’un prédécesseur d’Emmanuel Macron : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ?
Impossible de plaider le lapsus dans un tel discours, relu et amendé par une palanquée de conseillers et de communicants, enregistré et diffusé en différé. Ou alors, un lapsus si énorme et collectif qu’il constitue un aveu majeur, révélant l’inconscient partagé de l’entourage du président. Révélant surtout la terrifiante situation : dans la bulle présidentielle, le changement climatique n’est pas une réalité avérée, constatée et aux effets déjà concrets dans notre vie quotidienne, dans notre économie, dans notre santé publique, il est tout juste une donnée politique qu’il convient de ne pas oublier de mentionner dans un discours de vœux. Avant de passer à tout autre chose dès la phrase suivante.
Quatre heures après la diffusion de ces vœux extra-terrestres (au sens strict : étrangers à la réalité vécue sur Terre), un délai venait à échéance : le 14 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris avait enjoint à l’État de prendre avant le 31 décembre 2022 « toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice » causé par son inaction climatique. L’État ayant persisté dans son inaction, insultant une nouvelle fois sa propre justice, les associations regroupées dans le collectif l’Affaire du Siècle demanderont dans les semaines qui viennent au Tribunal d’ordonner le versement d’astreintes financières pour le forcer à agir.
Pour sa défense, le gouvernement de M. Macron pourra finir de se couvrir de honte en plaidant, comme l’a fait son chef, l’imprévisibilité du changement climatique. Nonobstant la maxime d’Émile de Girardin (1802 – 1881) : « Gouverner, c’est prévoir. Ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte ».