Les carabiniers d’Offenbach ont conquis une renommée planétaire par leur capacité à piétiner sur place tout en chantant sur un air viril « Marchons, Marchons… ». Lucides, quoique toujours martiaux, ils avouent même : « Nous sommes les carabiniers, La sécurité des foyers ; Mais, par un malheureux hasard, Au secours des particuliers, Nous arrivons toujours trop tard »
Ces pathétiques illusionnistes de l’action publique ont trouvé leur maître. Oyez, bonnes gens, le tour de passe-passe en trois actes que le gouvernement du sieur Macron vient d’exécuter sous vos yeux ébahis.
Acte 1 : où l’on sauve les abeilles
Après moult tergiversations, le ministère de l’agriculture publie le 21 novembre dernier un « arrêté abeilles » visant à encadrer « l’autorisation des produits phytopharmaceutiques (en français : les pesticides chimiques tueurs d’abeilles et de pollinisateurs sauvages) en période de floraison ». Oh, il ne s’agît nullement d’en interdire l’usage, simplement d’en limiter l’épandage « dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui suivent le coucher du soleil ». En bonne logique, cette (légère) restriction ne s’applique pas aux cultures qui ne sont pas attractives pour les insectes pollinisateurs. La question est alors de savoir quelles sont ces cultures dont les abeilles n’ont cure.
Acte 2 : où l’on consulte la population
En décembre, une première liste de cultures considérées comme non attractives est donc soumise à la consultation publique. Indignation du monde de l’apiculture. Cette liste, beaucoup trop riche, comporte nombre de productions dont raffolent les abeilles : c’est le cas des légumineuses, de la vigne, ou des céréales à paille. Les apiculteurs jouent malgré tout le jeu de la concertation et font remonter leurs objections au ministère.
Acte 3 : où l’on avoue en ricanant « on vous a bien eus, hein… »
Le 24 mars, le ministère publie la liste définitive des cultures qui échappent aux terrifiantes dispositions de l’arrêté « abeilles ». Et devinez quoi ? Non seulement cette liste conserve les cultures critiquées lors de la concertation… mais elle en intègre d’autres : le houblon, la pomme de terre et d’autres graminées fourragères y font leur apparition.
Quelle maestria ! Quel talent ! Le gouvernement réussit la prouesse d’afficher une décision censée sauver les abeilles… tout en la vidant totalement de sa substance pour le plus grand bonheur des bataillons de la panzer-agriculture. Les acrobates du ministère viennent d’inventer l’arrêté qui ne s’applique à rien. Jamais un « arrêté » n’aura été aussi bien nommé !
L’œuvre d’Offenbach où interviennent ces ineffables carabiniers s’intitule… Les Brigands. Pour le gouvernement, on cherche encore un titre.