Chère madame Amélie de Lombard de Montchalin,
Au ministère de l’impossible, nul n’a tenu : la longévité moyenne d’un ministre de l’écologie est inférieure à 18 mois. Mais avec à peine 30 jours, votre record force l’admiration ! Même le météorique François Goullet de Rugy a pu dîner 308 fois au ministère -et au champagne- avant qu’homard l’ait tuer.
Trente jours, c’est le temps qu’il vous aura fallu pour ouvrir les dossiers… et les refermer aussitôt, horrifiée. Comment occuper ce siège la tête haute sans renier les choix de la députée que vous avez été ? L’interdiction de production, stockage ou vente de produits phytopharmaceutiques non autorisés en Europe ? Vous avez voté contre. L’interdiction du glyphosate ? Contre. L’indemnisation des victimes des produits agrotoxiques ? Contre. L’interdiction d’épandage de ces agrotoxiques à proximité des habitations ? Contre.
Il faut être honnête : votre opposition ne fut pas toujours aussi résolue. Sur des sujets aussi anodins que l’interdiction des perturbateurs endocriniens dans les cantines scolaires ou l’interdiction d’importer des denrées utilisant des produits interdits dans l’Union européenne, vous avez courageusement préféré sécher les séances…
Une fois constatée l’impasse dans laquelle vous vous trouviez, vous fûtes confrontée à un problème épineux : comment quitter le navire sans paraître déserter ? C’est là qu’intervient votre idée de génie : le coup de la défaite électorale, voilà qui est imparable !
Encore fallait-il l’assurer, cette défaite. Avec quel talent, avec quelle élégance vous l’avez construite… Votre adversaire, l’énarque socialiste Jérôme Guedj, vous l’avez délicatement qualifié d’« anarchiste d’extrême-gauche ». Mais de bolchevik, non. C’eût été inconvenant. Qu’il soit de confession juive et administrateur de la fondation Marc-Bloch ne vous a pas empêchée de fustiger sa « soumission à la Russie et à des idées antisémites ». Mais nous n’avez jamais insinué qu’il se livrait en plus à des sacrifices d’enfants. Toujours le tact, la mesure, ce charme discrets des gens bien nés.
Toute à votre projet d’assurer votre défaite, vous avez systématiquement refusé tout débat avec lui. Vous lui avez même fait grief de son « tourisme électoral »… alors qu’il fut président de ce département de l’Essonne où vous êtes allée l’affronter.
Tant d’efforts opiniâtres méritaient une juste récompense. Dimanche, les électeurs vous l’ont accordée haut-la-main. Voilà un modèle de dénouement gagnant-gagnant : vous allez pouvoir reprendre votre carrière interrompue de lobbyiste dans l’assurance, et la transition écologique, comment dire… ne pâtira pas outre-mesure de votre effacement.
Et puis, d’où vous serez, vous allez pouvoir vous marrer : des ministères de l’impossible, il va y en avoir une palanquée dans le nouveau gouvernement.