Objecteurs

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« Ah Dieu que la guerre est jolie /Avec ses chants ses longs loisirs… »

C’est dingue, le nombre de gens qui, depuis ce 24 février où la Russie a entrepris de « dénazifier » l’Ukraine, trouvent du charme à la guerre et des vertus à la poésie de Guillaume Apollinaire…

Dernier inscrit au fan-club :  un certain Erik Fyrwald, directeur général de la compagnie agrochimiste Syngenta. Il explique en toute candeur au quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung que c’est l’agriculture biologique qui menace la sécurité alimentaire mondiale, alors même que l’invasion de l’Ukraine soulève de vives inquiétudes pour l’approvisionnement de certaines régions du monde. Sans reprendre son souffle, ce dealer international de pesticides, d’engrais chimiques et de semences OGM, précise sa pensée : le « bio », qui requerrait selon lui plus de surfaces cultivables, affamerait l’Afrique et serait émetteur de plus de CO2 que l’agriculture chimique.

M. Fyrwald n’est pas le seul à instrumentaliser la guerre sans vergogne pour pousser sa rhétorique agro-industrielle. Le gouvernement français a annoncé, sous le même prétexte, son intention de déroger à la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette » adoptée en octobre dernier, qui vise notamment à réduire de 50 % le recours aux pesticides d’ici à 2030, et à atteindre à cette date un quart de surfaces cultivées en bio. Tiens… On pourrait s’asseoir impunément sur des orientations européennes ? M. Mélenchon serait donc déjà premier ministre et on ne nous en aurait rien dit ?

Mauvaise nouvelle pour MM. Fyrwald, Macron, et autres propagandistes de l’agro-business : ils risquent dans les années qui viennent de peiner à recruter les bataillons d’ingénieurs que nécessite leur industrie de la mort lente. Dans un discours prononcé à l’occasion de la remise de leur diplôme d’Agroparitech (voir la vidéo), des étudiants de cette prestigieuse école d’ingénieurs agronomes annoncent leur intention de rompre les rangs, et de refuser les emplois qui leur sont promis et qui « font davantage partie des problèmes que des solutions ». « Nous voyons que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur Terre », expliquent-ils, récusant cette agriculture-là, qui consiste à « trafiquer en labos des plantes pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agriculteurs, concevoir des plats préparés, et ensuite des chimiothérapies pour soigner les maladies causées. »

Pires cauchemars de M. Fyrwald et de ses semblables, ces nouveaux objecteurs ultra-compétents portent l’espoir d’une agriculture enfin redevenue respectueuse du vivant.