Il n’y a pas si longtemps, on nous promettait pour demain matin l’émergence des smart-cities, en français les « villes intelligentes », truffées de capteurs électroniques censés fournir des informations permettant de gérer les ressources et les actifs. Il était question de collecter d’énormes quantités de données, de les traiter et de les analyser en temps réel, pour piloter les systèmes de circulation et de transport, les centrales électriques, les réseaux d’approvisionnement en eau, la gestion des déchets, les systèmes d’information, les écoles, les bibliothèques et les hôpitaux.
Et quelles technologies voit-on aujourd’hui se déployer dans toutes les villes du monde ? Celles de la bicyclette et de la trottinette !
Il n’y a pas si longtemps, un président de la République se gaussait des « Amishes » qui prétendraient nous ramener au temps de la bougie et qui s’opposeraient au progrès.
Et que nous propose aujourd’hui ce président de la République ? L’usage du col roulé et l’installation frénétique (et parfois inconsidérée) de moulins à vent partout. Et une provision de bougies dans le tiroir de la cuisine, en prévision des coupures de courant annoncées.
Il n’y a pas si longtemps, Mark Zuckerberg expliquait au monde entier que l’avenir serait virtuel ou ne serait pas, investissait dans le métavers et proposait au « grand public » un casque de réalité virtuelle à 1500 $.
Aujourd’hui, personne ne sait à quoi pourrait bien servir le métavers, ni même ce que c’est vraiment, M. Zuckerberg a perdu 21 milliards de dollars en deux ans, et son « Horizon World » reste désespérément vide de contenu et de visiteurs.
On pourrait multiplier à l’envi ces exemples, qui illustrent l’impasse où nous conduit l’illusion que toujours plus d’une technologie toujours plus sophistiquée serait la solution à tous nos maux. L’illusion qu’une innovation, simplement parce qu’elle est disponible, deviendrait désirable. L’illusion qui nous pousse à abdiquer notre capacité à distinguer le souhaitable parmi le possible.
S’agit-il pour autant de renoncer à innover, ou pire de renoncer à consacrer à la recherche les moyens qu’elle réclame ? Certainement pas.
Apparu dans les années 1970, le concept de low-tech désigne la mise en œuvre de technologies simples, peu onéreuses, accessibles à tous et facilement réparables, faisant appel à des moyens courants et localement disponibles (dont la réutilisation ou le recyclage d’objets et/ou de matériaux usuels). Le low-tech est donc partie intégrante du concept d’innovation frugale, qui consiste à répondre à des besoins déterminés par des solutions technologiques les moins sophistiquées et les moins coûteuses possible, sans pour autant faire de concession sur le niveau du service rendu. En cela il s’oppose au high-tech, qui développe les technologies les plus clinquantes et les plus complexes, pour se demander ensuite à quoi elles pourraient bien servir.
Certes, le low-tech, la technologie du vélo ou de l’éolienne, ne fait pas rêver comme le high-tech et ses applications futuristes. Et pourtant, si c’était là que se situaient la vraie modernité et le courage d’innover ?