C’est comment qu’on va où ?

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C’est officiel : l’abondance, c’est terminé. Le président de la République en personne l’a proclamé la semaine dernière, avec toute la gravité et la solennité que requiert une telle annonce.

Voilà un babil présidentiel qui, pour une large frange de la population, devrait en toucher une (oreille) sans faire bouger l’autre. Tous ceux qui, distraits, ne s’étaient pas aperçus que l’ère de l’abondance était advenue. Ceux pour qui elle est depuis longtemps révolue. Ceux que l’affolement climatique et l’effondrement de la biodiversité indiffère -les salauds !- obnubilés qu’ils sont par leurs médiocres préoccupations de fin du mois. Ceux qui traversent les rues sans trouver de boulot et ceux, toujours plus nombreux, qui n’ont même plus la force de traverser les rues et qui y tendent la main. Mis bout à bout, ça fait du monde…

La fin de l’abondance ? En voilà une trouvaille !

Dès 1972, le rapport Meadows (Les limites à la croissance) dessinait très clairement le scénario qui se joue désormais sous nos yeux : le prix croissant des ressources naturelles ne permet plus d’assurer la pérennité d’une croissance exponentielle, et les progrès scientifiques ne pourront que retarder l’échéance des pénuries.

En 1987, le rapport de l’ONU dit rapport Bruntland (Notre avenir à tous) mettait en avant deux concepts : celui de besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et celui de limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

Entre ces deux dates, en 1977, M. Macron est venu au monde. Il a donc eu un peu de temps pour prendre connaissance de ces deux textes qui firent grand bruit en leur temps, mais qui n’avaient rien de révolutionnaire. Sauf à considérer que la lucidité est, par essence, révolutionnaire.

Mais voilà, M. Macron a préféré suivre aveuglément les économistes néo-libéraux qui, en rangs serrés, se sont mobilisés pour tailler en pièces les travaux de Meadows et Bruntland. Leur chef de file, Friedrich Hayek, déclarait à propos du rapport Meadows : « L’immense publicité donnée par les médias à un rapport qui se prononçait au nom de la science sur les limites de la croissance, et le silence de ces mêmes médias sur la critique dévastatrice que ce rapport a reçu de la part des experts compétents [les économistes néo-libéraux ?], doivent forcément inspirer une certaine appréhension quant à l’exploitation dont le prestige de la science peut être l’objet. »

C’est vrai, ça : si les scientifiques misent sur leur prestige pour décrire des phénomènes inéluctables, c’est plutôt flippant, non ?

Donc, l’abondance c’est terminé. So what ? On fait quoi maintenant ? C’est comment qu’on va où ? C’est ballot : M. Macron a oublié de le dire. « La politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire » (Richelieu). Commencer par définir ce qui est nécessaire serait peut-être une bonne idée.
Et une tâche urgente pour un chef de l’Etat.