« Crime de l’humanité contre la vie »

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« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Jamais cette phrase de Jacques Chirac, prononcée en 2002, n’a autant paru d’actualité. La Turquie et la Grèce luttent contre des incendies gigantesques dont elles peinent à venir à bout. 130 départs de feux se sont déclarés en six jours en Turquie. En Grèce, l’île de Rhodes et le nord-ouest du Péloponnèse -où le thermomètre dépasse ces jours-ci les 45 °C- sont la proie des flammes. Le « dôme de chaleur » qui a affecté le Canada en juin a fait plus de 700 victimes. Au motif qu’une « goutte froide » très localisée sur la France nous contraint à exhiber pulls et cirés en plein mois d’août, certains esprits forts répandent pourtant leur arrogante bêtise en expliquant que le changement climatique, la crise écologique, tout ça, vous voyez bien que c’est n’importe quoi… Rien, ni les mégafeux que connaissent l’Australie et la Californie, ni les inondations dramatiques que viennent de vivre l’Allemagne, la Belgique et, dans une moindre mesure, l’Angleterre, ne les fera changer d’avis. Bring Your Own Brigade (« Amenez votre propre brigade »), un documentaire qui sort dans les cinémas américains vendredi, examine les causes, problèmes et possibles solutions pour les feux qui endeuillent chaque année un peu plus l’Ouest des Etats-Unis. Il s’ouvre sur les images poignantes de deux incendies qui ont dévasté en 2018 Malibu et Paradise, deux villes californiennes aux réalités socio-économiques opposées, et tué 88 personnes. Ce qu’il montre, c’est que les personnes les plus affectées par les feux – et le changement climatique qui, selon les chercheurs, en accroît le risque – sont souvent les plus réticentes à changer leur comportement. Les habitants de Malibu ont par exemple refusé une proposition visant à augmenter les impôts pour embaucher plus de pompiers, accusant ces derniers d’avoir échoué à sauver leurs maisons. Et la ville de Paradise a rejeté une série de propositions peu chères et efficaces pour tenter d’éviter de futures tragédies, écartant même des solutions aussi simples que l’obligation de défricher un espace de 1,5 mètre autour des maisons ! Si même la survenue de catastrophes annoncées est impuissante à déloger les négationnistes de la posture de déni où ils se complaisent, notre planète risque de ne pas être le meilleur endroit pour passer les 100 prochaines années (l’ennui, c’est qu’il n’y en a pas d’autre). « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas! Prenons garde que le 21e siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’humanité contre la vie. » C’est toujours de Chirac, toujours en 2002, dans le même discours de Johannesbourg.