A Lorient, les pêcheurs en quête de « soutien politique » pour « sauver la filière »

Heike Hartmann de Pixabay

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Heike Hartmann de Pixabay
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En quête de « soutien politique », les pêcheurs français, réunis jeudi et vendredi pour leurs assises annuelles à Lorient (Morbihan), s’inquiètent de l’avenir de leur secteur malmené par le Brexit et les restrictions d’activité alors que la flotte vieillissante a besoin d’être renouvelée.

« Notre priorité absolue, c’est le renouvellement de la flotte », a déclaré à l’AFP Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches (CNPMEM).

Il est rassuré par les « discours de soutien » des élus bretons qui ont pris la parole en ouverture des assises, du président divers-gauche de la région Bretagne Loïg Chesnais-Girard à celui, divers-droite, du Finistère Maël de Calan.

Trop de dossiers sont en souffrance selon les pêcheurs et le gouvernement est muet en cette période de réserve électorale. « On a besoin du soutien des politiques pour avancer », martèle M. Le Nézet.

A Lorient, dont la criée a été rétrogradée en 2023 au troisième rang français, la liste du président du Rassemblement national Jordan Bardella est arrivée en tête aux élections européennes, mais avec un score inférieur (23%) à celui réalisé au niveau national.

Le CNPMEM, qui se veut « apolitique », constate chez les pêcheurs un rejet de plus en plus bruyant de la politique européenne et leur sentiment d’être abandonnés par l’Etat.

« Vote anti-ONG »

« Nos bateaux ont 31 ans en moyenne, on arrive au bout. Et on ne peut pas en construire de nouveaux (…) à cause des règles européennes », déplore Christophe Collin, directeur de l’Armement bigouden (9 navires et 80 emplois).

Après le Brexit, M. collin a envoyé deux bateaux à la casse, faute d’un accès suffisant aux eaux britanniques. Il a été indemnisé, mais les règles européennes du plan d’accompagnement post-Brexit proscrivent l’acquisition d’un nouveau navire pendant cinq ans.

« C’est ce qu’on appelle détruire un outil industriel », tempête-t-il.

Excédé, il constate que si la pêche est « une compétence exclusive de l’Europe » – et largement absente des programmes politiques aux législatives -, « Bardella est le seul candidat qui soit venu pendant la campagne européenne ». « Ici beaucoup de pêcheurs ont un vote anti-ONG » et hostile à une Commission européenne qui « ne les défend pas. »

Un an après l’envoi à la casse de 90 navires français, rien n’est digéré.

Les ports bretons ont payé le plus lourd tribut, perdant 40 bateaux. Ils subissent aussi les conséquences du Brexit à l’échelle européenne, avec « la sortie de 75 navires irlandais qui débarquaient leurs poissons dans nos ports », souligne M. Le Nézet.

Cet hiver, la fermeture du golfe de Gascogne pendant un mois pour protéger les dauphins a « porté un nouveau coup à toute la filière », des producteurs jusqu’aux criées, privées de centaines de tonnes de bars, baudroies, soles ou turbos pêchés à cette période.

Le gouvernement s’est engagé à indemniser les pêcheurs à hauteur d’au moins 80% du chiffre d’affaires et la majorité des dossiers ont été traités. De son côté, le CNPMEM travaille à un recours sur le fond contre cette interdiction appelée à être renouvelée en 2025 et 2026.

« Coalition »

« S’il n’y a plus de volume, tous les maillons de la chaîne peuvent s’effondrer », a prévenu Maël de Calan, lors d’une table ronde réunissant des élus bretons.

Il envisage « une coalition » des collectivités bretonnes pour « intervenir devant le Conseil d’Etat » afin d’éviter une fermeture « trop dure » du golfe de Gascogne en 2025.

Au printemps, nouveau coup de colère, cette fois des marins de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), premier port de pêche français, après la décision britannique d’interdire le chalutage de fond dans 13 zones marines protégées.

Paris a évoqué de possibles « mesures de rétorsion » visant les importations britanniques et enjoint à l’UE, avec sept autres Etats membres, de vérifier la « conformité » de la décision de Londres.

Dans ce contexte morose, le CNPMEM va demander de prolonger l’aide de 20 centimes par litre de carburant dont bénéficient les pêcheurs jusqu’au 30 juin – en plus de la ristourne de 13 centimes via les fournisseurs de carburants.

« 70% des volumes sont fournis par 20% de la flotte: les gros armements, les plus impactés aujourd’hui (par le coût du carburant), sont ceux qui constituent la colonne vertébrale de la filière », explique M. Le Nézet.