Qui est Arnaud Rousseau, céréalier, patron de l’agroalimentaire et nouveau chef de la FNSEA

1448
⏱ Lecture 2 mn.

Arnaud Rousseau, grand cultivateur et président du géant des huiles Avril, a pris jeudi la tête du syndicat agricole majoritaire français, la FNSEA, qui a l’oreille des dirigeants politiques depuis 77 ans.

Elu par ses pairs, M. Rousseau, 49 ans, était le seul candidat à la présidence de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).  Plaidant pour un « nouveau pacte avec la société », selon lui déconnectée des réalités agricoles et des saisons, il a présenté ses priorités: « la souveraineté et la compétitivité », qui vont de pair avec « le revenu des agriculteurs, encore loin d’être au niveau » pour attirer les nouvelles générations.  L’agriculteur seine-et-marnais prend la suite de l’éleveuse de porcs Christiane Lambert qui a dirigé le syndicat pendant six ans avant d’annoncer, fin 2022, qu’elle ne souhaitait pas de troisième mandat. Mme Lambert reste présidente du Copa, principale organisation de défense des intérêts des agriculteurs au niveau européen.

« Produire »

Lobby efficace, la FNSEA a largement façonné la politique agricole française depuis sa création après-guerre, dans une forme de « cogestion » dénoncée par les organisations concurrentes.  Le syndicat patronal revendique encore 210.000 adhérents (anciens exploitants inclus). Avec 55,55% des voix aux dernières élections professionnelles, il garde le contrôle de la plupart des chambres d’agriculture.  Dans un message transmis à l’AFP, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a adressé ses « félicitations » à Arnaud Rousseau.  « Dans un dialogue lucide et exigeant avec les organisations professionnelles agricoles, mais aussi avec la société dans son ensemble, je sais que nous saurons travailler à un chemin commun pour faire face à un défi: celui du renouvellement des générations », a-t-il souligné.  Dans un entretien accordé à l’AFP, M. Rousseau a expliqué qu’il avait pour objectif, d’ici trois ans, de gagner du terrain dans l’assiette des Français (60% des fruits et la moitié des poulets sont importés).  « Il faut qu’on continue à produire, et dire cela, ce n’est pas du productivisme », a-t-il déclaré, alors qu’il est régulièrement reproché à la FNSEA d’alimenter un modèle agricole attaché avant tout à faire du volume au détriment de la biodiversité et du bien-être des animaux d’élevage.  « Ce nouveau président coche toutes les cases pour poursuivre sur une vision conservatrice de l’agriculture, où productivisme et agrobusiness dominent », a réagi Greenpeace.

Pesticides et Europe

Le syndicat est en première ligne pour dénoncer les interdictions, sans alternatives, de pesticides, ou pour défendre les « bassines » de stockage d’eau du Marais poitevin.  Sur ces sujets, ses positions sont alignées sur celles du gouvernement.  Marc Fesneau avait été applaudi par les syndicalistes de la FNSEA fin mars, en annonçant qu’il avait demandé à l’agence sanitaire Anses une « réévaluation de sa décision » sur un herbicide très utilisé pour les maïs, soja et tournesol, le S-métolachlore, dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines – et donc potentiellement dans l’eau potable.  « Evidemment que c’est un problème pour l’agriculteur que je suis, on ne vit pas à l’écart de la société », mais « s’il faut qu’on en sorte, on doit le faire de manière harmonisée » avec les voisins européens « et on doit le faire avec des solutions alternatives », a dit M. Rousseau à l’AFP.  Le bureau de la FNSEA a été renouvelé jeudi: il compte notamment le céréalier et éleveur de porcs de la Marne Hervé Lapie (secrétaire général), le viticulteur de l’Hérault Jérôme Despey (premier vice-président) et l’éleveur bovin du Cantal Patrick Benezit (deuxième vice-président).  Producteur de grandes cultures (colza, tournesol, blé, betterave, maïs) en Seine-et-Marne, M. Rousseau est aussi président du groupe agro-industriel Avril, dont il gardera la tête.  Ce géant des huiles (près de sept milliards de chiffre d’affaires en 2021) doublé d’une société d’investissement, est présent dans les placards des Français via les marques Lesieur et Puget, mais ce n’est qu’une partie de son activité. Il est aussi actif dans l’alimentation des animaux d’élevage, les agrocarburants ou encore la chimie des huiles et protéines végétales.