La dengue, nouveau témoin des liens entre santé et environnement

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La dengue, une maladie transmise par le moustique tigre, se diffuse à un degré jamais vu en France métropolitaine. Même s’il ne s’agit encore que de quelques dizaines de cas, cet essor illustre combien les changements climatiques affectent la santé publique.

Qu’est-ce que la dengue ?

La dengue est une maladie virale qui se traduit par une forte fièvre avec, dans de rares cas, une évolution vers une forme plus grave provoquant notamment des saignements.  Les décès sont rares – environ 0,01% de l’ensemble des cas – mais non négligeables, vu les centaines de millions de personnes infectées chaque année dans le monde.  L’enjeu de santé publique est donc important, d’autant que la dengue gagne des pays d’où elle était absente.

Où frappe la maladie ?

La dengue est, actuellement, une maladie tropicale. Outre-mer, certaines régions françaises – Guadeloupe, Martinique, Réunion… – sont régulièrement frappées par d’importantes épidémies.  La nouveauté des dernières années, c’est l’arrivée de la dengue en métropole. Depuis les années 2010, quelques cas « autochtones » – qui ne proviennent pas d’une contamination hors du territoire – sont signalés chaque année.  Cette tendance a franchi un nouveau cap cet été. Mi-septembre, les autorités sanitaires recensaient une quarantaine de cas, concentrés dans le Sud, chiffre voué à encore augmenter cette année.  Par la suite, « on va vers une extension et une multiplication de ces épisodes », a prévenu l’épidémiologiste Marie-Claire Paty, lors d’une conférence de Santé publique France, vendredi.  « On n’est pas à l’abri, à l’avenir, d’épidémies » en métropole, a-t-elle insisté, admettant que leur ampleur serait certainement moindre qu’Outre-mer.  Cette progression de la maladie découle de son mode de transmission.

Comment circule la dengue ?

La dengue a besoin d’un intermédiaire: les moustiques. Après avoir piqué un malade, ils peuvent se trouver porteurs du virus et le transmettre à leurs futures victimes.  C’est aussi le cas du paludisme, transmis, lui, par les moustiques anophèles alors que la dengue se diffuse via plusieurs espèces du genre « aedes ».   Y figure notamment le moustique tigre, dont la présence se limitait voici quelques décennies à l’Asie du Sud-Est mais qui s’implante désormais en Europe et en Amérique.  En France métropolitaine, cette espèce, absente avant les années 2000, a gagné deux tiers du territoire.  Cela ne signifie pas que les cas de dengue sont aussi répandus. Mais leur diffusion tend à suivre, avec quelques années de décalage, l’implantation du moustique tigre.  Un phénomène observé dans d’autres pays avec des maladies semblables. L’Italie, l’un des premiers pays européens à avoir vu l’arrivée de cet insecte, a ainsi enregistré ces dernières années des centaines de cas de chikungunya, autre virus transmis par ce moustique.

Pourquoi cette progression ?

La propagation du moustique tigre est « favorisée par la mondialisation des échanges commerciaux et des voyages, l’avancée de l’urbanisation et le changement climatique », résumait en 2014 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).  L’insecte vit en effet uniquement en ville, préfère l’humidité et la chaleur, peut se glisser dans des bagages ou des produits importés.  La lutte contre ce moustique, et au-delà contre la dengue, résonne particulièrement avec un concept en plein essor dans la santé publique: « One Health (une seule santé) », insistant sur l’interdépendance entre santé humaine, santé animale et protection de l’environnement.

Comment combattre la dengue ?

Il existe un vaccin, produit par le laboratoire Sanofi, mais son efficacité est trop insuffisante pour le recommander aux personnes n’ayant jamais attrapé la dengue.  La lutte contre la maladie passe d’abord par l’environnement, à commencer par les moustiques propageant le virus. Les opérations de « démoustication » visent ainsi à repérer et détruire les foyers de larves.  Mais cela peut se heurter à d’autres mesures contre les effets du dérèglement climatique, telle la plantation de végétaux pour réduire l’accumulation de chaleur en ville.   « Il peut y avoir de la collection d’eau et des gîtes larvaires », a prévenu Mme Paty, jugeant toutefois possible de concilier les deux enjeux.  Reste qu’une fois installé quelque part, le moustique tigre ne peut généralement pas être totalement éradiqué. A long terme, la solution serait plutôt de l’instrumentaliser.  Plusieurs approches existent. L’une des plus prometteuses consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par une bactérie bloquant la circulation du virus.  Plusieurs études, dont la plus importante a été publiée l’an dernier dans le New England Journal of Medicine, laissent penser que cette approche, notamment pratiquée en Nouvelle-Calédonie, réduit nettement les cas de dengue.