Les Carpates roumaines – une des dernières forêts primaires d’Europe – est un réservoir de biodiversité incomparable. Cependant, des coupes de bois aussi bien illégales que légales menacent cet écosystème. Dans un reportage, Le Monde revient sur ces activités faisant l’objet d’une procédure d’infraction par la Commission européenne.
Depuis la chute du communisme en 1989, l’une des dernières forêts primaires d’Europe – les Carpates roumaines – est menacée. Dans un reportage publié dans le quotidien Le Monde, Clara Robert-Motta, envoyée spéciale en Romanie, explique que les entreprises commerciales sylvicoles y ont fait leur nid, transformant les paysages longtemps restés intacts de toutes traces humaines en théâtre de déforestation massive. Elle revient sur ce qu’elle nomme « un gigantesque trafic commercial qui se perpétue sur fond de corruption ». Le marché du bois en Roumanie est estimé à 6 milliards d’euros annuels et est responsable de la déforestation de 349 000 hectares de forêt entre 2001 et 2019 d’après des images satellites de Global Forest Watch. Le Monde rappelle que le pays a de gros besoins puisque 3,5 millions de foyers se chauffent au bois. Il est cependant souligné par Gabriel Paun, fondateur de l’ONG de lutte contre la déforestation Agent Green que le bois utilisé pour se chauffer est importé de Bulgarie, car la production locale disparaît dans les exportations de meubles en kit. « Parmi ces entreprises, souvent étrangères, on retrouve des noms familiers comme Ikea qui, au travers de sa filiale Ingka Investments, est désormais le plus grand propriétaire privé de forêts en Roumanie (50 000 hectares estimés) », explique la journaliste.
Les entreprises propriétaires de forêts assurent respecter toutes les réglementations roumaines. Chose facile puisque la législation du pays ne protège que peu de territoires. C’est pour cette raison que le 12 février 2020, la Commission européenne a lancé une procédure d’infraction contre la Roumanie, l’exhortant à faire cesser immédiatement le trafic illégal de bois et à mieux protéger ses espaces sensibles. En effet, les forêts roumaines occupent un tiers de la superficie du pays et seulement 1,5 % sont strictement protégés.
Pour le reste, Le Monde précise que des plans de gestion sont décrétés tous les dix ans pour définir ce qui peut être coupé ou pas. Ces plans sont toutefois jugés trop souples par les associations environnementales, ce qui laisserait libre accès à l’exploitation des terres dans des zones devant être préservées. C’est le cas pour la forêt de Bârnova, au nord du pays : le site bénéficie de la certification européenne Natura 2000, devant protéger sa faune et flore particulière. Pour autant, la coupe est autorisée sur 99 % du parc forestier. Clara Robert-Motta ajoute que pour éviter à la Roumanie de se retrouver devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Bucarest doit répondre à la procédure d’infraction en prenant des mesures fortes.