A 5 mois d’accueillir le Congrès mondial de l’Union Internationale de Conservation de la Nature à Marseille, la France autorise la chasse de près de 18000 tourterelles des bois, espèce menacée d’extinction et classée sur les listes rouges de l’UICN. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) saisit le Conseil d’Etat.
Le 27 août 2020, l’arrêté relatif à la chasse de la tourterelle des bois en France métropolitaine pendant la saison 2020-2021 a été publié au Journal Officiel. Il fixe un quota de prélévement maximal de 17460 oiseaux. Pourtant, plusieurs grandes ONG de protection de la nature du Royaume Uni, d’Allemagne, des Pays Bas… ont adressé des courriers demandant à la France de ne plus tirer sur cette espèce migratrice devenue très rare dans leur pays. Et la Commission Européenne a demandé en 2018 aux Etats membres de suspendre la chasse de cet oiseau… et ouvert une procédure d’infraction contre la France sur ce même sujet en juillet 2020. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1 » ]
De son côté, le Comité des experts de la gestion adaptative (CEGA) avait conclu en mai 2019 (et réitéré en juin 2020) à la nécessité de stopper la chasse de cette espèce. Il a suffi au Ministère normalement chargé de préserver la faune sauvage, d’exiger dudit comité qu’il refasse ses calculs pour arriver à un quota positif ! Le chiffre de 17460 prélèvements fut ainsi sorti des modèles populationnels de la plateforme technique du CEGA en précisant que la probabilité de stabiliser les populations équivaut alors à une chance sur deux, et qu’elle dépend de la bonne disposition des autres pays à réduire également leurs prélèvements ! L’arrêté pour la saison 2019-2020 a été attaqué par la LPO : il est toujours en attente de jugement.
En outre, les chasseurs n’ont déclaré «que » 4000 tourterelles tuées pour la saison 2019-2020, ce qui semble prouver que les tableaux de chasse ne sont pas transparents ni exhaustifs. La dernière estimation sérieuse, conduite par l’ONCFS (devenu Office français de la biodiversité), portait sur la saison 2013-2014 et concluait à un prélèvement de l’ordre de 90.000 oiseaux !
Sur les quelques 20.000 contributions sur le Site de la consultation publique du Ministère cet été, plus de 77% étaient défavorables à cet arrêté… bien que le Ministère ait présenté les choses de manière subjective en faisant croire que les experts avaient préconisé deux scénarii, avant de corriger le texte une semaine seulement avant la fin de la consultation.
Le Comité français de l’UICN a adressé le 20 août un courrier alertant le Président de la République sur l’état de conservation défavorable de la Tourterelle des bois. Et lui rappelant ses engagements de retirer des espèces chassables celles en mauvais état de conservation. Comme les années précédentes, le Ministère de la chasse prend l’arrêté contestable à la veille de son application afin de permettre, même en cas de recours de la LPO à la procédure d’urgence (référé-suspension), la chasse pendant 10 à 15 jours, avant toute décision du Conseil d‘Etat. La LPO a attaqué l’arrêté litigieux dès le jour de sa publication, demandant d’urgence sa suspension immédiate à la haute juridiction administrative. Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « Hier nous apprenions la fin heureuse du piégeage à la glu, obtenue sous la menace d’une poursuite de la France par la Commission Européenne devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. L’infraction ouverte contre la France et le fait que ce soit le seul et dernier pays à laisser faire de telle pratiques aurait dû suffire. Mais non, il fallait sûrement faire un nouveau cadeau aux chasseurs ! Chaque année, près de 30 000 tourterelles des bois étaient abattues illégalement en pleine période de reproduction dans le Médoc. Nous nous sommes battus durant 20 ans pour mettre un terme à ce massacre. Il est insupportable de continuer à abattre une espèce à l’agonie ».
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