Une récente étude publiée dans la revue Ecology and Society compare les écosystèmes des « jardins forestiers » cultivés par les populations autochtones aux forêts périphériques environnantes dans le nord-ouest du Pacifique. Il s’agit ici de démontrer les effets à long terme de l’utilisation historique des terres par l’homme sur la composition des communautés végétales et la fonction des écosystèmes.
L’apparence sauvage des terres agricoles autochtones, aussi appelées « jardins forestiers » est bien loin de l’image de nos cultures occidentales : les plantations sont installées dans des forêts. De ce fait, il a fallu beaucoup de temps aux scientifiques pour reconnaître ces jardins comme un paysage crée par l’homme. Les jardins forestiers sont caractérisés par des communautés gérées de fruitiers et d’oléagineux pérennes associés exclusivement à des sites de villages archéologiques. Dans une étude publiée dans la revue Ecology and Society, Chelsey Geralda Armstrong, écologiste historique de l’université Simon Fraser (Canada) et son équipe a comparé les écosystèmes de ces jardins forestiers à des forêts de conifères périphériques aux sites. Les chercheurs ont souhaité évaluer comment la distribution des traits fonctionnels (caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique) des plantes et leur diversité fonctionnelle sont affectées par la gestion forestière indigène historique dans le nord-ouest Pacifique.
Pour démontrer que les jardins forestiers étaient le résultat de l’activité humaine, les chercheurs ont d’abord identifié des sites de villages près de la ville de Vancouver, au Canada, et deux autres plus proches de l’Alaska, que les tribus locales ont été contraintes d’abandonner à la fin du XIXe siècle. L’équipe a ensuite compté et identifié les espèces poussant sur et autour des anciens sites de colonisation. Il a été découvert que les jardins forestiers présentent une diversité végétale et fonctionnelle nettement supérieure à celles des forêts périphériques, et ce, même plus de 150 ans après la fin de la gestion des terres par les autochtones. Les espèces végétales occupaient un plus large éventail de niches écologiques. Les auteurs de l’étude ont également remarqué que les forêts gérées par les peuples indigènes dans le passé fournissent aujourd’hui des ressources et un habitat diversifié pour les animaux et autres pollinisateurs et sont plus riches que les écosystèmes forestiers naturels.
Selon l’autrice principale, cette étude est la preuve que l’impact de l’homme sur l’environnement peut avoir des effets positifs durables. Beaucoup d’études sur la diversité fonctionnelle ont une approche du type « les humains sont mauvais pour l’environnement », explique-t-elle. « Cela montre que les humains ont la capacité non seulement de permettre à la biodiversité de s’épanouir, mais aussi d’en faire partie. »