Açaï bowl, avocado toasts, des plats « #healthy », mais à quel prix ?

Photo d'illustration ©ellaolsson de Pixabay

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On en voit partout et à toutes les sauces : les « superfruits » aux vertus incroyables et les aliments exotiques remplissent nos assiettes et sont omniprésents sur les réseaux sociaux. Une équipe de chercheurs démontre cependant que la demande croissante de ces produits importés des pays en développement, comme le Brésil, exerce une pression sur les services rendus par les pollinisateurs.

Si vous avez pour habitude de naviguer sur le cours des hashtags tendances d’Instagram, vous avez sûrement déjà aperçu ces plats phares et colorés qui reviennent régulièrement sur votre fil d’actualités tant ils sont populaires. Açaï bowl et toasts d’avocat sont retrouvés par millier sous le « #healthyfood ». L’açaï et l’avocat, ces deux fruits qui alimentent le marché mondial, s’inscrivent dans une longue lignée de cultures tropicales dépendantes de la pollinisation. Une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances montre que les pays développés tels que les États-Unis et les pays européens imposent des coûts importants aux pays producteurs et exportateurs de ces aliments. En s’inspirant du concept de « l’eau virtuelle », les auteurs ont attribué une valeur aux services de pollinisation qui permettent de produire ces aliments populaires. On parle d’eau virtuelle, car l’eau consommée ne se trouve généralement pas dans les produits finis. C’est la même chose avec les services rendus par les pollinisateurs. Ce principe est appliqué dans les travaux pour qualifier les services, à première vue gratuits, rendus par les abeilles et autres pollinisateurs, mais dont le maintien entraîne des coûts cachés. Pour mener à bien leurs travaux, les chercheurs ont suivi le commerce international de 55 cultures dépendant des pollinisateurs de 2001 à 2015.

Les insectes pollinisateurs connaissent un déclin important depuis quelques décennies. Leur disparition affecte les réseaux alimentaires locaux, mais déstabilise également l’approvisionnement alimentaire mondial. Leur nombre étant limité, les services qu’ils fournissent le sont également. Les résultats de cette nouvelle étude réaffirment que les menaces qui pèsent sur la biodiversité d’un pays mettent en péril les modes de vies partout dans le monde. De nombreuses cultures comme le café, le soja, les oranges, les pommes, les pastèques, les mangues, les avocats et l’huile de palme requièrent une aide importante des pollinisateurs pour se développer.

Les plantations d’huile de palme ont remplacé les forêts tropicales dans de nombreux pays. Les terres cultivées et la demande croissante des aliments qui bénéficient des services de pollinisations ont entrainé la disparition de l’habitat naturel disponible pour ces insectes. Les auteurs de l’étude soulignent que, bien que la pollinisation dirigée soit une option, les pollinisateurs sauvages sont plus efficaces. Seulement, pour attirer ces insectes, ces pays doivent préserver les habitats naturels. Cela signifie, dans de nombreux cas, qu’il faut renoncer aux bénéfices tirés de la conversion des terres sauvages en terres cultivées.

Les services gratuits rendus par les pollinisateurs entraînent donc des coûts importants que doivent supporter les habitants des régions où poussent les cultures. Cela pose alors la question de la façon dont les biens sont évalués. Felipe Deodato da Silva e Silva, un des auteurs principaux de l’étude rappelle que les coûts environnementaux associés à ces services ne sont pas intégrés dans le coût de production ou le prix du marché et souligne qu’il devient urgent de définir la valeur des services écosystémiques pour financer la conservation. L’étude rapporte que les pays occidentaux imposent des contraintes énormes aux pays en développement en important des cultures qui dépendent autant des pollinisateurs. Tom Breeze, écologiste à l’université de Reading, au Royaume-Uni, qui n’a pas participé à l’étude a par ailleurs déclaré au journal d’informations Mongabay : « Nous, occidentaux, revendiquons notre liberté et voulons la durabilité sans nous soucier de savoir si les pays auxquels nous achetons peuvent se permettre cette durabilité et ce qu’elle fera à leur développement ».

Consulter l’étude