Suite au développement d’une méthodologie de surveillance des polluants dans les rivières s’appuyant sur les gammares, de petits crustacés sensibles aux changements de leur environnement, INRAE et l’OFB ont développé et testé une démarche utilisant ces crustacés pour prédire la contamination des poissons.
La surveillance de la pollution chimique est un enjeu crucial pour préserver les écosystèmes aquatiques et la qualité des eaux. Parmi les polluants majeurs figurent les composés perfluorés, des substances couramment utilisées dans les produits imperméabilisants pour les tissus et emballages alimentaires ou les mousses anti-incendie. Très persistants dans l’environnement, ils peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, y compris les Hommes.
L’un d’entre eux, le perfluorooctane sulfonate (PFOS), est très répandu dans les milieux aquatiques. Dans le cadre de la DCE (Directive Cadre sur l’Eau), il fait partie de la liste européenne de substances polluantes prioritaires à surveiller dans les milieux aquatiques, avec une norme de qualité environnementale à respecter dans la chair des poissons, basée sur les risques pour les écosystèmes aquatiques et la santé humaine. Cependant, les Etats-Membres de l’Union Européenne sont confrontés à des difficultés méthodologiques pour la surveillance du PFOS : la méthode la plus précise consiste à analyser directement les concentrations de polluants chez les poissons en les prélevant dans les milieux, mais cela présente un risque d’épuisement de la ressource et de déséquilibre des écosystèmes. Il est donc nécessaire d’avoir une méthode de surveillance alternative qui garantisse un niveau de protection équivalent pour les prédateurs supérieurs et l’Homme.
Ainsi, des scientifiques de plusieurs établissements, dont l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ont développé une méthodologie utilisant des gammares, de petites crevettes d’eau douce sensibles à la pollution et de très bons indicateurs de la qualité des eaux. Les chercheurs INRAE avaient déjà développé une méthode d’encagement des gammares permettant de surveiller de nombreux polluants dans les cours d’eau. « L’idée de la présente étude était d’utiliser cette méthode pour mesurer le PFOS chez des gammares encagés disposés dans les rivières pour prédire les concentrations dans les poissons« , explique l’Inrae dans un communiqué. Les chercheurs ont donc mesuré les concentrations de PFOS chez ces gammares exposés durant trois semaines dans 15 rivières françaises et sur trois périodes différentes. A partir de ces analyses, ils ont utilisé différents facteurs traduisant l’augmentation de concentration d’un polluant au sein d’organismes du bas vers le haut de la chaîne alimentaire pour prédire, par modélisation, les concentrations de PFOS dans les poissons. « Ils ont ensuite comparé ces résultats à des mesures réalisées sur des poissons prélevés sur les sites étudiés et vérifié si les dépassements des normes de qualité environnementale étaient correctement prédits. »
L’étude, publiée dans Environmental Sciences Europe, montre que la mesure de la concentration de PFOS chez des gammares encagés permet de prédire le dépassement de la norme de qualité environnementale pour ce composé: « Les résultats montrent que le dépassement de la norme de qualité environnementale pour le PFOS a été correctement prédit sur 13 des 15 sites étudiés. Ainsi, même si des études complémentaires sur un plus grand nombre de sites avec des gradients de PFOS variés sont nécessaires, la démarche proposée est prometteuse, au moins dans le cas du PFOS. »