L’ONG Canopée propose des mesures pour réduire la déforestation importée liée aux cultures de soja

Photo d'illustration © Julio Cesar García de Pixabay

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Un nouveau rapport de l’ONG Canopée expose un mécanisme permettant d’établir précisément la part de déforestation importée liée aux cultures de soja au Brésil, ainsi que des mesures pour la réduire dans le futur.

Les importations de soja sont la première cause de déforestation importée en France. Utilisé pour l’alimentation animale mais également, de plus en plus, comme biocarburant, le soja est importé principalement du Brésil où son expansion est associée à la destruction des écosystèmes et aux gigantesques incendies en cours. Une tonne de soja importée du Brésil contribuerait ainsi à l’émission de 0,52 tonne de CO2 soit l’équivalent des émissions annuelles de 400 000 voitures pour l’ensemble de nos importations de soja en provenance de ce pays. En 2018, le gouvernement français a adopté une Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI) et s’est associé au Conseil Scientifique et Technique pour réfléchir à sa mise en œuvre.

En septembre 2019, l’association Canopée a été désigné pour animer un groupe de travail en charge de proposer des solutions techniques permettant de mettre fin aux importations de soja à risque. Ce groupe de travail a réuni plus d’une quarantaine d’acteurs (entreprises, ONGs, chercheurs, représentants des ministères ou d’organisations professionnelles…) et a remis le 10 septembre ses conclusions au gouvernement dans un rapport intitulé « Mettre fin aux importations de soja issu de la conversion d’écosystèmes naturels d’Amérique du Sud« . Grâce à des systèmes de surveillance satellitaires fiables, les parcelles déforestées peuvent être identifiées de façon précise. Ces données sont disponibles et publiées régulièrement par l’Institut National de Recherche Spatiale (INPE) ou d’autres programmes. Les données douanières disponibles permettent en outre de relier directement chaque cargaison de soja en provenance du Brésil à l’installation logistique et à la municipalité d’origine.

Le rapport indique que 273 municipalités au Brésil concentrent 91% des risques de déforestation. Le soja issu d’une parcelle déboisée lors des 5 dernières années ne représente qu’environ 1,5% de la production totale mais cette déforestation a de lourdes conséquences environnementales et sociales, notamment dans le Cerrado au Brésil. « Considérée comme la nouvelle frontière agricole du pays, la superficie en soja a augmenté de 253% entre 2000 et 2014 dans le Matopiba« , souligne le rapport. Quant aux exportations de soja de cette région, « elles ont doublé entre 2010 et 2015-6, passant de 3,5 à 7,1 Mt/an. » Le Cerrado est pourtant une région riche en biodiversité : il abrite plus de 4800 espèces endémiques, menacées par ces cultures de soja. 66% du commerce mondial du soja – et donc du risque de déforestation – est concentré sur six négociants internationaux : ADM, Amaggi, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus Company et COFCO. « En France, les principaux importateurs de soja sont, par ordre décroissant : Bunge, Louis Dreyfus Company, COFCO, Solteam et Cargill« , précise les auteurs.

Pour Canopée, l’enjeu est de responsabiliser les acteurs tout au long de la chaîne de transformation du soja jusqu’au consommateur final. Pour cela, elle affirme qu’il est indispensable de renforcer la transparence et l’engagement des acteurs publics et privés. Elle propose la mise en place « d’un mécanisme d’analyse du risque » de déforestation, à l’échelle du Brésil ; d’abord au niveau du port brésilien, puis au niveau des silos, et ensuite au niveau de la parcelle dans les municipalités à risque. Il permettrait ainsi d’informer « de façon ciblée » les entreprises liées directement ou indirectement à la déforestation. Le rapport précise par ailleurs que l’intégration des anciens pâturages serait une solution pour éviter l’expansion du soja à la place des écosystèmes naturels. Les pâturages occupent 30% (environ 60 Mha) du territoire du Cerrado et se caractérisent par leur faible productivité. « La culture du soja sur des terres déjà converties pour l’élevage pourrait permettre de répondre à l’augmentation de la demande mondiale prévue pour les prochaines décennies« .

Canopée appelle aussi les négociants de soja à fixer « une date claire d’arrêt de la conversion« , notamment en incluant des « clauses strictes » de non-déforestation dans leurs contrats avec les producteurs. « De façon complémentaire, l’introduction de clauses dans les marchés publics pour demander aux fournisseurs d’adhérer au mécanisme constitue également un puissant levier. » Ainsi, en France, l’objectif fixé est que les achats publics « ne contribueront pas à la déforestation et à la conversion à partir de 2022. »  « Dans le cadre de la Déclaration d’Amsterdam, la France s’est ainsi engagée à mettre fin à ces importations de commodités agricoles liées à la déforestation en 2020. Il ne reste plus que quelques mois avant que cette échéance n’arrive à terme« , rappelle Canopée dans un communiqué. Deux ans après l’adoption de la SNDI, l’ONG Greenpeace avait dénoncé l' »échec« de cette stratégie qui ne comporte selon elle « aucune mesure contraignante« .

Lire le rapport de Canopée