Le monde au défi

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Pour raconter l’histoire de l’humanité, il est un livre long, d’une incroyable richesse et inventivité, au titre modeste – Sapiens, une brève histoire de l’humanité – et que Hubert Védrine lui-même qualifie de « prodigieux » (à lire absolument !)

vedrine_0Il est aussi un court essai (une centaine de pages) – Le monde au défi – qui établit successivement un état des lieux de la communauté internationale et des occidentaux, qui se demande si la communauté internationale ne peut pas naître d’une « grande rupture » et qui conclut en proposant d’aller vers cette communauté en passant de « la géopolitique à la géo-écologie ».

Reprenons.

Le 26 juin 1945, Sapiens a inventé les Nations Unies et leur charte. Il s’agissait de garantir la paix, le respect mutuel des pays, tout en se dotant d’un Conseil de sécurité assurant le bon fonctionnement de cette utopie.

En 2016, 70 ans plus tard, force est de constater que, de guerre froide en guerres régionales et en attentats, ni la paix, ni la tolérance, ni la justice, ni le progrès social que prônait la Charte n’ont pu bénéficier pleinement aux générations futures à qui les Nations pourtant Unies avaient promis cet avenir radieux… Védrine en tire une conclusion terrible et juste hélas : aucune communauté de valeurs n’a pu naître.

Il estime donc que seule une « grande rupture » permettrait d’inventer un avenir. Une rupture radicale par rapport aux volontés d’hégémonie de tant de pays et dirigeants actuels, que leurs armes soient militaires, économiques ou sociales. Ce pourrait être la création d’un « gouvernement mondial ». Il suffit malheureusement à l’auteur d’un très court chapitre pour montrer que ce projet n’a aucune chance d’émerger.

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Hubert Védrine
Editions Fayard
120 pages
13,50 €

« Par élimination, on en arrive donc à la conclusion que seule la nécessité, vitale à proprement parler, de garder la Terre habitable, pourrait et devrait concerner tous les êtres humains, et ce quelles que soient leur situation et leurs croyances. » Hubert Védrine propose ainsi de manière très convaincante les clefs de la création d’une nouvelle communauté internationale. L’objectif de celle-ci ne serait pas de « sauver la planète », comme on l’entend trop souvent (la planète vivrait fort bien sans les humains !), mais de sauver la vie sur la planète c’est-à-dire de sauver « tous les êtres vivants », écrit-il courageusement. Il s’agit désormais de renoncer à distinguer « humains » et « nature », mais bien de considérer la vie dans son ensemble, les humains n’en étant qu’un des aspects, les fleurs, les arbres, les oiseaux, les éléphants et les singes (dont le massacre se poursuit), etc., en étant un autre aspect, non moins important.

L’intérêt de ce livre tient à la richesse de son information, à la pertinence de ses constats et à la force de sa proposition d’une communauté basée sur « société et une économie entièrement écologisées ». Il comporte cependant une faiblesse majeure : son auteur affirme ne pas vouloir aller jusqu’à « une société sans croissance ». Proposant seulement une croissance différente, mais bel et bien une croissance, ne reste-t-il pas enfermé dans le système qui a produit les échecs qu’il dénonce ? A n’en pas douter, son livre lui-même conduira les lecteurs à souhaiter dépasser le schéma trop simpliste de la croissance…