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Trois questions à Charlotte Meunier, Présidente de Réserves naturelles de France

Actualité, Nature et Société : Comment les 350 réserves naturelles françaises abordent-elles la sortie du confinement et le retour du public dans les espaces protégés ?

Charlotte Meunier : nous avons tenu le 30 avril une rencontre virtuelle qui a rassemblé 175 représentants des réserves, et comme vous l’imaginez ce sujet a été au centre des échanges. Il y a beaucoup d’incertitudes, mais nous savons déjà que pendant le confinement il y a eu des nidifications dans des secteurs inhabituels. Quand le public reviendra, il faudra profiter des espaces protégés tout en respectant la place que les espèces ont prise pendant cette pause. Il y a une prise de conscience de la part de beaucoup de gens, il y a eu l’émerveillement de réentendre des oiseaux dans l’espace naturel, il faut préserver cela. De notre côté, nous allons devoir nous organiser pour informer les visiteurs, mettre certaines zones en défens si nous constatons une nidification, apposer la signalétique nécessaire…  Cela implique que les équipes des réserves puissent être présentes sur le terrain, en respectant les dispositions sanitaires évidemment, pour gérer les flux de visiteurs. Nous aurons besoin de l’appui de l’Office français de la biodiversité et de se agents. Pour l’instant, c’est seulement le début, mais il y a de grandes chances que l’afflux de visiteurs que nous attendons se confirme cet été : l’impossibilité de partir en vacances à l’étranger va conduire beaucoup de nos concitoyens à ses tourner vers les territoires nationaux, et vers les espaces protégés.  Nous devons renforcer l’accueil, grâce aux équipes notamment avec les animateurs nature. Il faut être conscient qu’ils sont extrêmement fragilisés par le moment que nous venons de vivre : toutes les sorties scolaires ont été annulées, toutes les activités d’éducation sont à l’arrêt. Leur situation économique est extrêmement précaire, or nous avons absolument besoin de leur présence à nos côtés pour organiser une découverte de la nature de qualitéet sans impact sur les espèces. Dans un courrier commun à tous les réseaux d’espaces protégés, nous avons demandé au gouvernement les moyens de renforcer nos équipes. Il nous paraît indispensable que le plan de relance intègre un volet biodiversité, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Il s’agît d’un investissement visant à préserver et à développer des emplois locaux. Nous attendons que ces emplois, et en tout premier lieu ceux des animateurs nature, soient consolidés dans les jours et les semaines qui viennent. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Au cours de notre rencontre virtuelle, nous avons travaillé sur ce point, et sur deux autres tout aussi essentiels à mes yeux : d’une part, nous avons étudié les premiers retours sur les impacts du confinement sur le patrimoine naturel, et d’autre part nous avons examiné l’impact de la crise sanitaire sur les territoires et sur les économies locales. Et puis nous nous sommes tournés vers le futur : comment, au sortir de cette crise, les réserves peuvent contribuer à la prise en compte de l’environnement global, à l’accélération de la transition écologique. Les réserves peuvent constituer un levier de développement et d’aménagement des territoires. Nos équipes ont une expertise environnementale qui peut être mise au service des collectivités, des élus, de tous les groupes sociaux. Bien sûr il ne faut pas que ces missions nous détournent de la conservation du patrimoine naturel, mais nous assumons ce rôle de pôle d’expertise pour trouver le meilleur équilibre entre les activités économiques, sociales et environnementales.

Actualité, Nature et Société : on a assisté ces dernières semaines à un affaiblissement du code de l’environnement et de la démocratie environnementale (pouvoir dérogatoire des préfets, escamotage des enquêtes publiques, affaiblissement de l’Autorité environnementale), au nom de l’efficacité économique. Cette orientation vous inquiète-t-elle ?

Charlotte Meunier : bien sûr, même si jusqu’ici dans les réserves naturelles je n’ai pas eu de remontées sur un assouplissement inapproprié de la réglementation ou sur les projets d’aménagement qui auraient un impact dommageable. Les associations de protection de la nature se sont mobilisées contre ces mesures, et nous partageons totalement leur préoccupation. Il faut très vite revenir sur ces décisions qui ne vont pas dans le bon sens. De notre côté, ce que nous avons mis en avant, c’est l’idée que la relance économique doit notamment s’appuyer sur les espaces protégés. La prise de conscience s’élargie  concernant les enjeux de biodiversité et du changement climatique,, la ministre Elisabeth Borne, au travers un message vidéo lors de nos rencontres virtuelles, nous a redit son engagement pour faire avancer la rédaction de la Stratégie des aires protégées. Celle-ci devait être validée en juin, elle le sera finalement à l’automne, il faut qu’elle devienne une vraie priorité, un vrai moyen d’action, et une source de financement pour les espaces naturels. Plusieurs projets de création de réserves sont en cours, il faut les faire aboutir, mais aussi sécuriser et développer les réserves existantes. Nous attendons un vrai engagement politique et budgétaire du gouvernement pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la république en matière d’extension du réseau d’aires protégées et de conservation de la biodiversité.

Actualité, Nature et Société : quels sont les dossiers prioritaires de Réserves naturelles de France en-dehors de ceux liés à la crise sanitaire ?

Charlotte Meunier : pour notre congrès 2020, qui devait comme chaque année se tenir en avril, nous avions prévu de nous focaliser sur la mobilisation citoyenne. Eh bien, nous avons décidé que ce serait le thème de notre congrès 2021 ! Comment faire en sorte que ce sujet essentiel de la préservation de la biodiversité soit pris en charge très largement par le public, par les visiteurs de nos sites mais aussi plus largement par les élus, par la société civile ? C’est un axe de travail majeur pour le proche avenir. Nous ne le ferons pas seuls. L’autre enjeu qui nous occupe, c’est de consolider le travail en commun avec les autres réseaux d’espaces protégés, la Fédération des conservatoires d’espaces naturels, la Fédération des parcs naturels régionaux et les Parcs nationaux notamment. Avec les Conservatoires et les PNR nous avons créé un poste partagé pour dynamiser la politique Natura 2000. La personne qui occupe ce poste Aurélie Phillipeau est l’interlocutrice des gestionnaires et des élus pour  faire le lien entre les territoires, L’Etat et les Régions.. C’est une étape de plus dans la mutualisation de nos compétences et de nos moyens avec les autres réseaux. Enfin, à très court terme, Réserves naturelles de France s’apprête à une transition importante pour l’équipe, avec le départ de notre directeur Arnaud Collin après six années pendant lesquelles il a beaucoup apporté au réseau, et l’arrivée de Marie Thomas, la nouvelle directrice qui connait bien le réseau puisque qu’elle a participé au démarrage de la mise en oeuvre des réserves naturelles régionales à la Région Bourgogne France Comté.

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko

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