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Trois questions à Marc Giraud, vice-président de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS)

ANES : quelles seront les actions-phares que l’ASPAS entend conduire en 2019 ?

Marc Giraud : la plus importante à nos yeux est le projet Vercors Vie Sauvage, où nous prévoyons de créer notre prochaine réserve de vie sauvage, qui sera incontestablement la plus belle. 490 hectares de forêt ancienne très diversifiée avec de nombreuses essences d’arbres et d’arbustes typiques de l’étage montagnard, dont plusieurs arbres remarquables. Quelques prairies calcicoles qui accueillent orchidées et papillons à foison, et les falaises toutes proches qui font le bonheur des rapaces. Plusieurs sources et une rivière qui s’égaille en petits rus alimentent mares et étangs où s’abreuvent une faune sauvage variée et facilement observable.

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Cerfs, loups, aigles, gypaète, vautours fauve et moine, sangliers, renards, mustélidés, des libellules peu communes, et une foule d’insectes devenus rares ailleurs font dès à présent de ce lieu un site d’observation exceptionnel pour scientifiques, curieux et photographes amoureux de la nature. Il faut trouver près de 2,6 millions d’euros, il nous en manque encore 400 000. Nous avons obtenu des délais, nous négocions des prêts, on ne va pas s’arrêter si près du but ! Ce sera une réserve pas comme les autres, avec une partie en pleine naturalité, et une partie pour les journalistes, pour les photographes animaliers qui seront au milieu des cervidés, pour qu’ils se rendent compte que quand on fout la paix à la nature il y a du monde, des cerfs, des chevreuils… Ce sera en quelque sorte notre réserve-vitrine. C’est très cher parce qu’il y a du bâti. Il y a un ancien domaine de chasse avec des miradors, mais ce sera transformé en équipements pacifiques. Evidemment on ne va pas avoir que des amis mais on a l’habitude ! La première année se passe généralement mal : les gens qui avaient l’habitude de chasser disent qu’ils sont chez eux alors que ce n’est pas vrai, donc ils tirent dans les pancartes, ils font un peu de vandalisme. Nous on met des caméras, on les voit, on les menace, on va voir le maire, et au bout d’un moment ça se calme. Et même par la suite ils sont très contents parce qu’on fait une sorte de réserve de gibier pour eux. Ce n’est pas notre but mais s’ils étaient un peu plus malins, sur le long terme ils sauraient qu’on ne travaille pas contre eux.

ANES : vous lancez aussi une campagne sur le blaireau…

Marc Giraud : oui, mais pas tout seuls. Nous avons noué des partenariats avec les produits de beauté Lush, avec Nature & Découvertes. Le blaireau n’est pas un animal très connu, mais pour moi c’est un peu notre panda : c’est un très bel animal, qui n’est pas classé nuisible… mais qui est traité comme un nuisible ! On peut le déterrer au printemps avec ses petits, les blaireautins sont massacrés de manière très barbare. A l’ASPAS nous nous battons contre toute forme de vénerie, qu’il s’agisse de la chasse à courre ou, de la vénerie souterraine, dont le déterrage des blaireaux.

On a déjà fait arrêter un concours de déterrage de blaireaux à Cluny il y a quelques années, et depuis Il n’y a plus de concours de déterrage officiellement. On y massacrait tous les terriers de la région, ça venait de toute la région voire d’autres pays. Je suis optimiste pour l’avenir du blaireau… sauf s’il y a un problème sanitaire. Dans ce cas il y a une hystérie, on l’a vu avec les bouquetins du Bargy, une espèce d’hygiénisme de certains qui veulent tout flinguer même si c’est contre-productif. On a l’exemple de l’Angleterre qui a massacré des blaireaux de manière incroyable : ils disent maintenant que c’était un erreur ! C’est un travail de sensibilisation que nous devons conduire, comme on l’a fait, avec succès, pour le renard.

ANES : le renard, justement, qui est votre logo, vous n’allez pas le négliger ?

Marc Giraud : évidemment non, et pas seulement parce qu’il est notre emblème. Mais aussi parce qu’en 2019 il y aura, comme tous les 5 ans, le réexamen de son caractère d’ « espèce susceptible d’occasionner des dégâts », comme on dit officiellement pour ne plus dire « espèce nuisible ». Depuis 30 ans qu’on bosse sur sa réhabilitation, on a fait un beau boulot, avec beaucoup d’autres évidemment. Avant le renard était détesté, c’était le voleur de poule. Il est devenu un animal aimé. Mais il est toujours classé « nuisible ». Dans ce dossier nous travaillons à l’inverse des chasseurs : nous apportons toutes les preuves du fait que ce classement est erroné. Les chasseurs, eux, n’apportent aucune preuve, mais ils comptent sur la bienveillance des préfets, pour qui il y a les bons et les mauvais nuisibles. Quand on constate des dégâts de lapins, le lapin n’est nuisible que sur la propriété où il fait des dégâts. Mais si un renard bouffe une poule quelque part c’est dans tout le département qu’il est chassé, piégé. Il y a une espèce de haine atavique contre le renard qui a disparu du grand public, même chez les agriculteurs, mais qui est toujours présente chez les chasseurs.

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Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko