La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a annoncé jeudi une plainte contre la France devant la Commission européenne, après le rejet par le Conseil d’Etat d’une demande d’interdiction de la chasse à la glu.
Cette chasse « traditionnelle » consiste à capturer des oiseaux à l’aide de tiges en bois enduites de glu et posées sur des arbres ou buissons. Une directive européenne de 2009 interdit les « méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective » d’oiseaux, notamment la chasse à la glu, mais prévoit des dérogations quand « il n’existe pas d’autre méthode satisfaisante ».
La France autorise ainsi dans cinq départements (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse) l’utilisation des « gluaux » pour la capture « sélective » des grives et des merles noirs « en petites quantités, et puisqu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ». Et le Conseil d’Etat, dans une décision rendue la semaine dernière, a rejeté les demandes d’abrogation de cet arrêté déposées notamment par la LPO, estimant notamment que la règlementation prévoit « un régime d’autorisation et de contrôle rigoureux ».
Les défenseurs des oiseaux dénoncent eux une méthode « cruelle ». « Les oiseaux se débattent, et plus ils se débattent plus ils s’encollent le plumage », décrit à l’AFP le directeur général de la LPO Yves Verilhac, expliquant que les oiseaux sont ensuite décollés, gardés vivants avant d’être ultérieurement placés dans des cages afin d’attirer en chantant leurs congénères alors tirés au fusil. Au-delà, la LPO met en avant le risque que d’autres espèces que celles visées soient prises au piège, comme les mésanges, les rouges-gorges, voire certains rapaces. S’ils peuvent subir les conséquences de la glu sur laquelle ils s’arrachent les plumes, ils sont également victimes des solvants utilisés par les chasseurs pour les décoller, assure Yves Verilhac. L’association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive, saluant la décision du Conseil d’Etat, a de son côté dénoncé sur son site internet des « campagnes de dénigrement infondées » de la part d’ « Ayatollahs, apôtres de la pensée unique ».
La décision rendue par le Conseil d’Etat est surprenante : en effet, la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) a déjà statué en 2004 sur la question de la chasse à la glu, dans une affaire opposant l’Espagne à la Commission. La chasse à la glu est désignée en Espagne sous le nom de « chasse au parany » : « il est constant, écrivaient alors les juges européens dans leur arrêt (mentionné dans les visas de la décision du Conseil d’Etat), que la chasse aux grives au moyen de gluaux telle qu’organisée sur le territoire de la Communauté de Valence ne permet pas d’éviter la capture d’oiseaux autres que des grives. À cet égard, il ressort du troisième rapport de la société espagnole d’ornithologie sur la capture au «parany» des grives dans la Communauté de Valence (…), que, parmi les oiseaux capturés selon ladite méthode, le rapport entre grives et oiseaux d’autres espèces se situe dans une fourchette allant de 1,24 à 4. Par ailleurs, aucun élément de preuve contraire ne figure au dossier de la Cour.
II s’ensuit que la chasse au «parany» est fondée sur une méthode de capture non sélective. Le fait que, lorsque des oiseaux autres que ceux visés par le décret 135/2000 sont pris dans des gluaux, les chasseurs soient obligés de les nettoyer et de les libérer n’est pas de nature à remettre en cause le caractère non sélectif de ladite méthode de capture. Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la chasse au «parany» relève de l’interdiction édictée à l’article 8, paragraphe 1, de la directive ».
Le ministère de la Transition écologique a lancé en octobre un groupe de travail sur les chasses traditionnelles comme celles à la glu ou aux filets. Ces « chasses dites +traditionnelles+ appartiennent au passé. A l’heure où la biodiversité s’effondre, et en particulier les oiseaux, s’amuser à coller (glu), étrangler (tenderie) ou écraser (tendelle) des dizaines de milliers d’entre eux, en plus du fusil, est juste irresponsable », a commenté jeudi dans un communiqué le président de la LPO Allain Bougrain Dubourg. Interrogée par l’AFP, la Commission a assuré qu’elle procèderait à une « analyse attentive » du problème « car les questions soulevées concernent la réglementation française elle-même mais aussi la manière dont elle est appliquée +sur le terrain+, ce qui implique un examen approfondi ».