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Trois questions à Paul Hurel, Coordinateur du réseau Mammifères du bassin de la Loire à l’Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS)

ANES : L’ONCFS vient d’annoncer le retour du castor en Ile-de-France. Quelles ont été les étapes de cette redécouverte ?

Paul Hurel : Nous avons d’abord été contactés à la fin de l’été 2016 par le Syndicat intercommunal d’aménagement, de réseaux et de cours d’eau (SIARCE), qui gère la rivière Essonne en Ile-de-France et qui avait repéré plusieurs coupes d’arbres au bord de la rivière. Courant Septembre, nous nous sommes rendus sur place et avons confirmé qu’il s’agissait bien de l’œuvre de castors : les traces de dents étaient caractéristiques et le diamètre des arbres, assez important. J’ai donc développé un « réseau Castors » en Ile-de-France, à travers la sensibilisation et la formation des associations et des professionnels de l’environnement à devenir des observateurs et, en mars 2017, nous avons organisé une grande campagne de prospection sur près de 90 km de berges de l’Essonne. De nombreux indices de présence du castor ont été relevés : écorçages, excréments, empreintes, et surtout un terrier-hutte, un édifice qui lui sert de lieu de repos pour la journée.

ANES : En quoi cette réapparition du plus gros rongeur d’Europe est-elle une bonne nouvelle pour les écosystèmes ?

Paul Hurel : Au début du XXème siècle, il restait moins d’une centaine de castors dans le Sud de la France. L’espèce avait quasiment disparu, chassée pour sa fourrure et pour le castoréum, une substance secrétée par ses glandes et utilisée autrefois en parfumerie et pour la médecine. Son retour progressif est une bonne nouvelle car le castor est une espèce-ingénieur des écosystèmes. Lorsqu’il coupe des arbres pour se nourrir et construire des huttes ou des barrages, il ouvre et redynamise le milieu des berges, apportant plus de lumières pour ces zones parfois très refermées et permettant à d’autres espèces végétales de s’installer. Ses barrages permettent de créer des zones humides qui deviennent des frayères à brochets et accueillent tout un cortège d’insectes et de plantes. De façon plus générale, et sûrement un peu caricaturale, on associe volontiers le castor à des habitats sauvages tels que ceux des Etats-Unis, avec une faune et une flore riches et variées. Mais il faut noter que le castor n’est pas un bio-indicateur, dans le sens que sa présence ne signifie pas forcément que la rivière n’est pas polluée… Pour recoloniser les espaces, il lui suffit d’avoir de la végétation abondante et un cours d’eau assez profond pour que l’entrée de son terrier soit immergée. On peut donc le rencontrer jusque dans les villes, comme c’est le cas à Lyon !

ANES : Cette progression du castor en Ile-de-France est consécutive à celle constatée dans la Loire. Peut-on rêver de le revoir partout en France ?

Paul Hurel : C’est ce qu’on espère, grâce à la protection nationale de l’espèce depuis 1968 et son suivi par l’ONCFS depuis 1987. Par exemple, sur les communes de présence, certaines catégories de pièges sont interdites. Aujourd’hui, le castor se débrouille tout seul : nous avons cessé d’effectuer des réintroductions. Il recolonise les bassins versants de lui-même. Parfois, il y a des problèmes de continuité écologique, par exemple en Bretagne, où une petite population réintroduite n’arrive pas à s’étendre à cause de la présence d’ouvrages infranchissables. Mais le retour du castor sur le bassin de la Seine, qui jusqu’alors n’en comptait plus, est définitif et très encourageant. Cela ne va pas sans quelques désagréments pour les riverains de certaines zones de cours d’eau peu profonds, où il édifie des barrages et peut entraîner des inondations. L’ONCFS essaie d’apporter des solutions à ce problème de cohabitation avec l’homme, car c’est la garantie d’un avenir durable pour le castor.

Propos recueillis
par Jibé