La Fondation Nicolas Hulot dévoile un rapport réalisé en collaboration avec le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne (BASIC) analysant l’ensemble des aides financières qui vont à l’agriculture et à l’alimentation. Le rapport révèle que seulement 1% des 23,2 milliards d’euros d’aides publiques ont eu des « effets avérés » sur la réduction des pesticides.
La France a pour ambition de réduire son utilisation de pesticides de 50% d’ici 2025. Seulement, le recours à ces produits a augmenté de 35 % en 10 ans. Pour comprendre les raisons de cette hausse, la Fondation Nicolas Hulot, en collaboration avec le Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne (BASIC), a publié un rapport étudiant les financements publics et privés perçus par les acteurs agricoles et alimentaires au cours des 10 dernières années. Les auteurs du rapport ont dans un premier temps analysé les financements publics, c’est-à-dire l’ensemble des dépenses budgétaires et des mécanismes d’allègements fiscaux qui proviennent de politiques européennes, nationales ou locales. Ils ont ensuite étudié les financements privés, soient les apports financiers effectués par des acteurs privés (emprunts, levées de fonds).
Le rapport note que les acteurs de l’alimentation perçoivent chaque année 23,2 milliards d’euros de fonds publics. La France ambitionne d’allouer 11 % de ces financements à l’objectif de réduction des pesticides. Pourtant, selon le document, seulement 1 % y contribue véritablement : « Les pouvoirs publics donnent au monde agricole des objectifs de réduction de l’usage des pesticides, aussi nécessaires qu’ambitieux, sans leur donner les moyens de les atteindre ». Les financements privés, quant à eux, ont été évalués à 19,5 milliards d’euros par an. Il a été observé qu’ils alimentent le « statu quo » en restant passif.
La Fondation Nicolas Hulot rappelle que les pesticides sont très largement appréciés par les acteurs agricoles car ils représentent plusieurs avantages. Ils sont économiquement intéressants puisqu’ils sont peu coûteux et simple à mettre en œuvre. Ce sont de puissants répulsifs pour éviter que les cultures soient affectées par les ravageurs, parasites et maladies. L’utilisation de ces produits permet également de maintenir la production malgré des épisodes climatiques (notamment des sécheresses) intenses ou des sols appauvris par des années d’utilisation… de pesticides.
L’enquête menée en collaboration avec le BASIC démontre que « l’augmentation des pesticides est surtout liée à l’utilisation croissante de ces produits par une frange minoritaire d’agriculteurs qui en utilise toujours plus ». En effet, le groupe des agriculteurs les plus utilisateurs de pesticides correspond aux exploitations qui utilisent 1,5 fois plus de pesticides par hectare que la quantité utilisée en moyenne en France en 2008. Elles représentent 9 % du nombre total d’exploitations agricoles, occupent 7% de la surface agricole « utile » de France (sur un total de 29 millions d’hectares) et utilisent 21% de la totalité des pesticides.
La surface agricole utile est un concept statistique pour évaluer le territoire consacré à la production agricole. Elle se compose de terres arables (grande culture, cultures maraîchères, prairies artificielles…), de surfaces toujours en herbe (prairies permanentes, alpages) et de cultures pérennes (vignes, vergers…). Elle n’inclut pas les bois et forêts mais comprend en revanche les surfaces en jachère (comprises dans les terres arables). Pour ce groupe, la consommation de ces produits phytosanitaires a augmenté de 55% en 10 ans. « Cette évolution s’explique essentiellement par la croissance de cet ensemble d’exploitations agricoles. En corollaire, les exploitations les moins utilisatrices de pesticides ont réduit leur consommation de 1 % en 10 ans, elles occupent 31 % de la surface agricole mais voient leur nombre diminuer. », souligne le rapport.
La double analyse des financements publics et privés permet de mettre en évidence « que le poids de l’échec est trop souvent mis uniquement sur les épaules des agriculteurs et agricultrices. La responsabilité est bien également du côté des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs agricoles et alimentaires ».