Panique chez les pancakes : l’érable à sucre ne migrera pas rapidement vers le nord malgré le réchauffement climatique, selon une étude du Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal.
Le climat ‒ et son réchauffement des dernières décennies ‒ joue un rôle primordial dans la migration des populations d’arbres, mais également la composition des sols. Cependant, le rôle du sol demeure beaucoup moins bien connu que celui du climat. C’est pourquoi Alexis Carteron et ses collègues de l’Université de Montreal ont évalué l’influence des microorganismes et de la chimie de divers sols sur la survie, la biomasse et la performance globale de semis d’érables à sucre (Acer saccharum). Pour ce faire, ils ont prélevé des échantillons de sol sur le versant est du mont Saint-Joseph dans le parc national du Mont-Mégantic, en juin 2016, à différentes altitudes pour refléter les deux types de forêts qu’on y trouve. «Le mont Saint-Joseph présente une très forte variation d’altitude et abrite une forêt tempérée, dominée par les érables, et une forêt boréale, où règnent les conifères, avec une ligne de démarcation qu’on observe aisément en regardant la montagne de loin»,indique M. Carteron. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Après leur germination, les graines d’érable ont été plantées en serre au Jardin botanique de Montréal et y ont poussé pendant deux saisons estivales, soit en 2016 et en 2017, entrecoupées d’une période de dormance hivernale. Puis, les chercheurs ont appliqué différents traitements de stérilisation et d’inoculation des échantillons de sol afin de mieux comprendre et de distinguer leurs effets biotiques (microorganismes, champignons) et abiotiques (acidité, disponibilité des éléments nutritifs) sur la survie et la croissance des érables.À l’issue de l’été 2017, les chercheurs ont mesuré la performance des jeunes érables à sucre selon leur survie et la biomasse produite par chacun, de même que la composition initiale des types de sol. D’une part, ils ont noté une très faible performance (survie et biomasse) des érables ayant poussé dans le sol provenant de la forêt boréale, par rapport à ceux qui ont poussé dans un sol de la zone de transition entre les forêts tempérée et boréale. De même, en comparaison des érables ayant pris racine dans un sol de la forêt tempérée, ceux cultivés dans le sol de la forêt boréale et dans le sol inoculé de ce type de forêt affichaient une performance inférieure respectivement de 37 % et de 44 %. D’autre part, les chercheurs ont constaté que le sol issu de la forêt boréale possède un pH qui freine la survie des érables. De même, le sol de la forêt tempérée ‒ d’où viennent les érables ‒ est plus propice à la colonisation de leurs racines par des champignons mycorhiziens arbusculaires, qui contribuent à leur croissance. «Globalement, l’interaction des facteurs biotiques et abiotiques du sol provenant de la forêt boréale a un effet plus délétère que les autres types de sol sur la performance des érables,affirme Alexis Carteron. Cet effet délétère s’avère plus déterminant pour l’expansion de l’érable à sucre vers le nord que ce que le réchauffement climatique pourrait physiologiquement lui permettre.»
Mais la composition des sols n’est-elle pas elle-même appelée à changer avec le réchauffement climatique? «Les propriétés biotiques et abiotiques pourraient devenir plus favorables à une expansion des érables, mais cela ne se produira qu’à très long terme», conclut le scientifique.
Une autre étude, conduite par des chercheurs français et québécois sur des populations de conifères (sapin baumier) révèle elle aussi l’importance de la composition des sols dans la migration des arbres liée au changement climatique. Les résultats de cette étude indiquent que les différences observées d’abondance et de croissance du sapin sous le peuplier et l’épinette sont la résultante d’interactions complexes, où les communautés mycorhiziennes et les communautés végétales dominantes jouent un rôle. Ces travaux invitent ainsi à prendre en compte le sol et ses micro-organismes afin de comprendre la diversité des réponses au changement climatique, notamment dans la zone de transition entre forêts tempérée et boréale.
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