Braconnage de requins : entre saisie record et traçage génétique des ailerons (3 mn)

Photo d'illustration © Derryn Williamson de Pixabay

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Alors qu’une saisie record de 26 tonnes d’ailerons de requins a été effectuée à Hong-Kong, des chercheurs utilisent l’ADN des ailerons pour identifier les espèces concernées et leur provenance, afin d’aider à enrayer le trafic.

Les douanes hongkongaises ont annoncé le 6 mai la découverte de 26 tonnes d’ailerons de requins de contrebande, prélevés sur environ 38.500 animaux, une saisie record qui illustre la demande encore très forte pour ce produit dans l’ex-colonie britannique. Les ailerons se trouvaient dans deux conteneurs en provenance d’Equateur. « Il y a avait 13 tonnes dans chacun des conteneurs, alors que le précédent record était une saisie de 3,8 tonnes en 2019« , a déclaré aux journalistes Danny Cheung, un responsable des douanes locales. La plupart provenait de requins-renards ou de requins soyeux, deux espèces vulnérables, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Un homme de 57 ans a été arrêté et libéré sous caution. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

Les populations de requins ont été décimées ces dernières décennies, notamment par la pêche pour la consommation. La pêche aux ailerons consiste généralement à pêcher les poissons, à leur découper les ailerons et à les relâcher mutilés à l’eau. Les ailerons séchés se vendent à prix fort pour être utilisés dans des des soupes très prisées dans le sud de la Chine. La vente et la consommation d’ailerons de requins ne sont pas illégales à Hong Kong. Mais seuls les commerces doivent avoir un agrément. Des années de campagne des associations de défense de la nature ont contribué à plomber l’attrait des ailerons pour la jeune génération en Chine, à Hong Kong, Taïwan ou Macao. Mais ce mets continue d’être apprécié par les plus anciens, et nombre d’hôtels et de restaurants le servent toujours en soupe. Une enquête conduite en 2018 par le Fonds mondial pour la nature (WWF) avait montré que 70% des Hongkongais avaient mangé des ailerons au cours des 12 mois précédents, souvent lors de mariages, de réunions de famille ou d’événements professionnels. Wild Aid estime que 73 millions de requins sont abattus chaque année pour leurs ailerons.

Lorsque des cargaisons d’ailerons de requins arrivent à Hong Kong, il est parfois possible pour les inspecteurs d’identifier visuellement les espèces concernées, mais une fois que les ailerons ont été écorchés et blanchis en vue de leur vente, ils ont tendance à se ressembler. Ces préoccupations ont conduit Demian Chapman, un généticien américain, et une équipe de chercheurs à se lancer dans un projet ambitieux : ils ont mis au point un moyen d’analyser l’ADN des ailerons de requins afin de déterminer si des espèces vulnérables et menacées étaient prises dans le commerce, et d’identifier les origines des espèces faisant l’objet d’un trafic. Leurs conclusions ont été récemment publiées dans une nouvelle étude.

À Hong Kong, une équipe de collaborateurs locaux a acheté des parties d’ailerons de requins – cartilage, muscle et peau – vendues comme ingrédients de soupe bon marché. Leur ADN a été analysée et amplifiée pour créer un « code-barres », qui peut ensuite être confronté à une base de données, et révéler de quelle espèce elle provient. L’équipe a concentré son analyse d’ADN sur le requin-marteau halicorne, une espèce en danger critique d’extinction qui est couramment commercialisée à Hong Kong. Ce requin était un choix naturel en raison de la bibliothèque existante de données ADN sur l’espèce, ainsi que de sa tendance à retourner au même endroit dans l’océan pour se reproduire, ce qui rend sa constitution génétique facile à identifier.

L’étude a révélé que la plupart des requins-marteaux halicornes commercialisés à Hong Kong provenaient de l’océan Pacifique oriental, entre la Basse-Californie et le nord du Pérou, où l’espèce connaît un fort déclin. M. Chapman et son équipe travaillent actuellement à l’utilisation de l’analyse ADN pour identifier d’autres espèces de requins commercialisées à Hong Kong, et ils espèrent que leur travail pourra aider à mettre un terme au commerce illégal de requins.

L’étude

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