🔻 Pêche industrielle : un secteur polluant, bénéficiant de plus de 80 % des aides publiques

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Une nouvelle étude publiée dans la revue Frontiers in Marine Science dévoile que plus de 80% des aides publiques allouées au secteur de la pêche bénéficient aux flottes industrielles alors même qu’un autre document publié par Science Advances dénonce un taux de CO2 énorme relâché dans l’atmosphère par cette pratique.

La revue scientifique Frontiers in Marine Science, publiait fin septembre, une étude coécrite par l’association BLOOM. Cet article montrait que plus de 80% des aides publiques allouées au secteur de la pêche bénéficient aux flottes industrielles. Un constat inquiétant lorsque l’on voit que le taux de CO2 relâché dans l’atmosphère par les poissons morts à cause de la pêche est de 25 % plus élevé qu’estimé jusqu’à présent. En se basant sur la première étude co-réalisée avec BLOOM, il semblerait que l’ensemble du secteur de la pêche a bénéficié de 35,4 milliards de dollars de subventions en 2018. Sur ce total, 22,2 milliards auraient financé des mesures « néfastes » qui encouragent la surcapacité et la surpêche. « Cinq pays ou blocs de pays ont alloué à eux-seuls 58% de ce montant global : la Chine, l’Union européenne, les États-Unis, la Corée et le Japon », indique l’association BLOOM.

Les recherches ont montré un écart important dans la répartition des aides entre la pêche industrielle et la pêche artisanale. La pêche artisanale qui représente au moins 82% de la flotte mondiale d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ne reçoit que 19% des aides alors que la pêche industrielle reçoit 80% de l’ensemble des subventions. Les chercheurs ajoutent à ce constat que 64% des aides dont la pêche industrielle bénéficie, sont des subventions pouvant être qualifiées de « néfastes ». 40% d’entre elles servent à l’achat du carburant.

Une analyse effectuée par un consortium international piloté par des chercheurs du laboratoire MARBEC (CNRS/Université de Montpellier/IRD/Ifremer) vient soutenir l’idée qu’il faut basculer vers une pêche plus responsable s’il on veut agir pour l’environnement. En effet, cette étude explique que la pêche industrielle inflige une double peine au bilan carbone. Non seulement les bateaux émettent une quantité massive de gaz à effet de serre en consommant du fioul mais en plus de cela, extraire les poissons de l’eau libère du CO2 qui sans cette pratique, resterait captif de l’océan. Quand un poisson meurt de manière naturelle dans l’océan, il coule dans les profondeurs, emportant avec lui le carbone qu’il contient. Lorsqu’un poisson est pêché et meurt en dehors des océans, le carbone qu’il contient est en partie émis dans l’atmosphère sous forme de CO2. Les chercheurs considèrent que ce déficit de séquestration du carbone dans l’océan profond représenterait plus de 25 % du précédent bilan carbone de l’activité de pêche.

Les scientifiques ayant travaillé sur cette étude, pensent que les données récoltées forment un argument de taille en faveur d’une pêche plus raisonnée. Ils estiment que 43,5 % de ce qu’ils appellent le « blue carbon », extrait par la pêche provient de zones éloignées, occasionnant une énorme consommation de carburant, alors même que les prises de poissons dans ces zones ne sont pas rentables et que cette pêche n’est viable que grâce aux subventions. L’association Bloom mentionne l’urgence de trouver un accord à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin d’interdire les subventions à la pêche néfaste. Dans un communiqué, l’association explique que « Cependant, la recherche d’un consensus entre les États ne doit pas se traduire par un abaissement généralisé des ambitions, comme cela semble malheureusement être le cas actuellement, notamment en raison de la pente très glissante sur laquelle se trouve actuellement l’Europe quant à la négociation de son futur Fonds européen à la pêche (FEAMP, 2021–2027). À cet égard, les subventions aux carburants devraient être incluses dans le futur texte, quoiqu’en dise par exemple l’Union européenne. »

Étude publiée dans Frontiers in Marine Science

Étude publiée dans Science Advances