L’avenir de la flore mondiale pourrait dépendre autant, sinon plus, de ce qui se trouve sous terre que de ce qui se trouve au-dessus.
Sous 90 % de toutes les plantes se trouve un système de soutien invisible – des partenaires fongiques souterrains qui forment un réseau de filaments reliant les plantes et apportant des nutriments et de l’eau à leurs racines. En retour, les plantes fournissent un apport constant de carbone aux champignons. Aujourd’hui, les chercheurs apprennent que ces partenaires cachés peuvent façonner la réponse des écosystèmes au changement climatique.
Les bons partenaires fongiques peuvent aider les plantes à survivre dans des conditions plus chaudes et plus sèches, selon une étude présentée au début du mois lors de la réunion annuelle en ligne de l’Ecological Society of America et rapportée par le magasine en ligne Science mag. Mais d’autres études présentées lors de cette réunion ont montré que le changement climatique peut également perturber ces champignons dits mycorhiziens, accélérant peut-être la disparition de leurs plantes hôtes. « Il est de plus en plus clair que nous ne pouvons pas ignorer les réactions des champignons mycorhiziens au changement climatique », déclare Matthias Rillig, écologiste à l’Université libre de Berlin.
Ces champignons associés se présentent sous deux formes. Les mycorhizes arbusculaires (AM), communes dans les forêts tropicales et certaines forêts tempérées ainsi que dans les champs et les prairies, envahissent les cellules des racines et étendent de fins poils appelés hyphes dans le sol. Les champignons ectomycorhiziens (EM), en revanche, s’associent aux conifères ainsi qu’au chêne, au caryer, à l’aulne et au hêtre. Ils se fixent sur l’extérieur des racines et leurs réseaux d’hyphes donnent naissance aux champignons qui apparaissent sur les sols forestiers humides.
Les deux types absorbent le phosphore et d’autres nutriments, capturent l’azote de la matière organique en décomposition et aident à stocker le carbone dans le sol. « Les associations mycorhiziennes sont sans doute les symbioses les plus importantes dans les écosystèmes terrestres en raison de leur importance pour la productivité des plantes », explique à Science Mag Christopher Fernandez, écologiste des sols à l’université du Minnesota, Twin Cities. Le changement climatique pourrait modifier ces associations, précise-t-il. Fernandez fait partie du projet B4WARMED (Boreal Forest Warming at an Ecotone in Danger), une étude à grande échelle pour surveiller l’impact du réchauffement et de l’assèchement des forêts boréales qui s’étendent à travers les latitudes nord. L’étude consiste également à réchauffer et à assécher artificiellement des parcelles de forêt, et M. Fernandez a étudié l’impact du changement climatique simulé sur les champignons cachés en séquençant des échantillons de sol et de racines des parcelles. Au fur et à mesure que les conditions devenaient plus chaudes et plus sèches, la diversité des champignons EM diminuait et les champignons EM « nuisibles » prenaient le dessus, a rapporté M. Fernandez lors de la réunion. Ces « mauvaises herbes » ne consacrent pas beaucoup d’énergie à la construction de vastes réseaux souterrains, ce qui entraîne une rupture de leur connectivité. Si la même perturbation se produit au fur et à mesure du changement climatique, moins de semis pourraient établir leur partenariat essentiel avec les champignons, ce qui pourrait priver les arbres de nutriments.