Une nature sous cloche pour mieux comprendre l’impact humain (2 min 30)

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Comment réagissent des plantes soumises à des conditions extrêmes? En Seine-et-Marne, des scientifiques mettent la nature sous cloche pour étudier les effets de l’activité humaine et du réchauffement climatique afin de mieux prévoir l’avenir.

Niché au milieu de prairies et de forêts, le centre de recherche en écologie expérimentale et prédictive (CEREEP Ecotron Ile-de-France), géré par le CNRS et l’Ecole normale supérieure (ENS), abrite un des deux « écotrons » de France, un dispositif unique. Composé de 15 chambres climatiques et hermétiques de 16 m3 chacune, aux allures de containers, il permet de reproduire un écosystème dans un espace hermétique et de le soumettre à des conditions extrêmes pour voir comment il réagit. Les scientifiques peuvent faire varier un ou plusieurs facteurs : la température, de -15°C à +45°C, la lumière, la teneur en gaz de l’atmosphère, par exemple en CO2 ou en ozone, le taux d’humidité ou encore simuler de la pluie ou du vent. Cet ensemble, inspiré de l’écotron de l’Imperial College à Londres, est couplé à l’écotron de Montpellier. S’ils permettent de mener toutes sortes d’expérimentations, la plupart des projets portent sur « les impacts des perturbations humaines et des changements climatiques », explique Gérard Lacroix, chercheur au CNRS et directeur adjoint du centre. Le CEREEP emploie 15 personnes et met ses installations à disposition des scientifiques venus de France et de l’étranger. « Les dispositifs que nous avons ici sont rares », affirme le directeur du CEREEP Jean-François Le Galliard. Actuellement, des plants de tabac, d’orge et de colza occupent un des caissons hermétiques. Pendant six jours, ils sont exposés à des taux d’ozone plus ou moins importants et seront ensuite privés d’eau pour savoir dans quelle mesure ce polluant influe sur leur capacité à faire face à d’autres stress. Le but ? Doter les cultivateurs d’un « bio-indicateur qui leur permettra de visualiser immédiatement l’état de leurs plants », explique Béatriz Decencière, ingénieure au CNRS.

A quelques mètres de là ont été creusés 16 lacs artificiels, un dispositif permettant de mieux comprendre l’impact des humains sur les milieux aquatiques. D’une longueur de 30 mètres sur 15 de large et 3 de profondeur, ces lacs sont bardés de sondes de mesure. « Il ne s’agit pas de reproduire un système naturel », précise Gérard Lacroix. D’où les grandes bâches qui recouvrent leur fond et les larges filets pour empêcher l’intrusion de gros oiseaux. L’idée était de se doter d’un espace de recherche intermédiaire entre les recherches en milieu naturel, comme c’est le cas au Canada, près de Toronto avec le projet IISD-ELA, où 58 petits lacs servent de laboratoire à ciel ouvert, et les expériences menées dans de petits bassins que certains critiquent au motif que « ce n’est pas la nature ». Pour répondre à cette exigence, les lacs ont été construits sur un modèle identique et sont couplés à des bassins de petites et moyennes tailles, où sont réalisées les expériences plus fines. Des plantes – joncs et typhas – les ont colonisés naturellement et fin 2016, 200 poissons d’eau douce, des perches communes, des gardons, des épinochettes ou encore des ables ont été lâchés dans chaque bassin. Dans la moitié d’entre eux a été ajouté un prédateur, un brochet. Dans la nature, « les prédateurs sont les premiers à disparaître car ils sont plus sensibles à la pollution », rappelle Gérard Lacroix. Avec cette expérience, il s’agit de comprendre « l’impact sur la chaîne alimentaire de leur absence. » En parallèle est menée une autre expérience, qui doit durer au moins trois ans, sur les conséquences de l’apport de phosphate et de nitrate, deux sources de préoccupation majeure car ces composants rejetés par l’agriculture et les eaux usées viennent polluer les cours et les plans d’eau.