Une étude fait le point des connaissances scientifiques sur le stockage du carbone par les sols des milieux humides. Surprise : trop arrosées, les zones humides cessent leur fonction de stockage.
Le rôle majeur des zones humides dans la lutte contre le réchauffement climatique fait peu débat. Mais une récente étude, compilant les connaissances scientifiques accumulées sur le sujet, incite à examiner la question avec quelques nuances. “La tâche est immense juste pour définir ce que sont les zones humides, en dresser l’inventaire à l’échelle du globe et estimer leurs capacités particulières à stocker la matière organique ”, annonce Vincent Chaplot, pédologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et co-auteur de ce travail.
Couvrant à peine 6 % des terres émergées, les zones humides piègeraient jusqu’à 25 % du carbone contenu dans tous les sols, selon des chiffres couramment mentionnés dans la littérature scientifique. Leur protection et leur réhabilitation sont ainsi souvent avancées comme une partie de la solution pour contrer les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Mais une menace pèse sur elles : les convoitises dont elles font l’objet, comme réserves foncières disponibles, venant d’acteurs économiques de l’agro-industrie, notamment dans les régions tropicales. Les recherches en pédologie s’emploient à estimer l’impact de ces initiatives d’exploitation, ou de préservation, sur la dynamique du carbone.
“Les recherches s’accordent sur le mécanisme à l’origine du stockage abondant de carbone dans ces milieux particuliers, indique le chercheur. L’excès d’eau présent dans les sols prive la microfaune d’oxygène et fait ainsi obstacle à la décomposition de la matière organique issue de la végétation. Elle s’accumule alors sur des profondeurs variables, en fonction de la nature du terrain ”. Dans les sols tropicaux elle peut même s’amonceler jusqu’à 40 m sous la surface, rendant la quantification précise des stocks assez délicate.
De façon inattendue, l’analyse des travaux existants a montré que ce scénario bien décrit n’est pas immuable. « Nous avons découvert que le stockage de carbone dans les zones humides varie avec l’abondance des précipitations, révèle le chercheur. Ainsi, les milieux humides les plus arrosés emmagasinent nettement moins de matière organique que les autres ». L’hypothèse émise par cette équipe, pour expliquer cette découverte contrintuitive, repose sur l’oxygène de l’eau. Surabondamment délivré dans les sols par les pluies, il alimenterait l’activité de la microfaune et favoriserait la décomposition de la matière organique. Dans le contexte de changement climatique à l’œuvre, alors que les régions tropicales se trouvent pour certaines excessivement arrosées, et pour d’autres soumises au contraire à des sécheresses, l’équation des zones humides se complexifie singulièrement. Avec l’évolution du régime des pluies, les premières pourraient se mettre à relâcher du carbone dans l’atmosphère, et les seconde à en stocker davantage. « Finalement, le plus sûr moyen de voire ces milieux contribuer à la lutte contre l’effet de serre pourrait être de réhabiliter des zones des régions tempérées drainées par le passé », conclut le scientifique.