Comment attribuer une valeur non monétaire aux services écosystémiques ? (2 min 30)

Photo Pierre Bona

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Une étude basée sur des interviews des différents acteurs de la lagune de Biguglia et des étangs palavasiens s’est à intéressée à la valeur de leur nature. Les résultats font ressortir des consensus et des divergences quant à la priorisation des services écosystémiques, qui pourraient faciliter les décisions en matière de conservation.

Afin de favoriser la gestion durable des territoires de nature, certains scientifiques cherchent actuellement à leur donner une valeur qui ne soit pas monétaire : en effet, l’attribution d’un « prix » aux services écosystémiques rendus par la nature s’avère problématique car un certain nombre de services s’y prêtent très mal. Outre le biais méthodologique, la monétarisation de la nature pose des questions éthiques et sociétales. Dans le cadre de l’Observatoire Homme Milieu – Littoral méditerranéen, une équipe de chercheurs en quête de nouveaux procédés s’est intéressée à la valeur de la nature des territoires lagunaires de Biguglia, en Corse, et des étangs palavasiens, dans l’Hérault. Ces zones riches de par leur biodiversité et leurs ressources naturelles sont la source de nombreux bénéfices pour les populations locales et permettent des activités récréatives et traditionnelles (sports nautiques, chasse, pêche…) Elles sont aujourd’hui menacées par les impacts de la fréquentation humaine et les diverses pollutions d’origine anthropique.Les chercheurs ont ainsi mené une enquête qualitative auprès des acteurs clés de ces territoires pour réaliser une évaluation non monétaire des services écosystémiques fournis par les lagunes. Afin d’identifier les niveaux de consensus et de divergence de ces acteurs quant à la priorisation des services écosystémiques fournis par ces sites lagunaires, 57 interviews ont été menés (30 sur les étangs palavasiens et 27 sur la réserve de Biguglia) pour une analyse « Q », c’est-à-dire une approche semi-qualitative permettant une analyse systématique de la subjectivité humaine à travers des procédures de collecte de données et des méthodes statistiques rigoureuses. Sept catégories d’acteurs ont été sollicitées : gouvernance locale, secteur privé, associations (ONG), scientifiques, public et secteurs parapublics, gestionnaires de sites et résidents locaux. Une méthode d’interview originale a été privilégiée, notamment pour l’étang de Biuglia : un jeux de carte des 31 services écosystémiques rendus par les lagunes et une grille de tri ont été utilisés. Pendant l’interview, les acteurs se sont vus demander de trier les cartes et de les positionner sur la grille selon leur importance.«Les résultats ont mis en évidence qu’entre les catégories des parties prenantes, il y a un fort consensus autour des services de régulations et de maintenance de ces sites naturels, indique le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui a participé à l’étude, dans un communiqué. Les lagunes, de par leur localisation, permettent de réguler les phénomènes naturels et de maintenir le bon fonctionnement écologique des habitats. Ainsi, les services « Nurserie et Habitat » et « Régulation des inondations et protection des terres intérieures contre les tempêtes et la salinité » sont les services considérés comme une priorité de conservation.» Trois groupes de parties prenantes, partageant le même point de vue quant à la conservation des services écosystémiques, ont été identifiés pour chaque site d’étude. Ainsi les agents publics et parapublics ainsi que des résidents locaux ont principalement une vision environnementale et hédonique des sites, à travers leurs services de régulation et de maintenance, ainsi que les services liés aux aspects esthétiques et symboliques. Les ONG et les gouvernements locaux promeut en majorité une approche environnementale et territoriale, généralement axée sur une vision de l’environnement considérée comme un indicateur de qualité d’un territoire. Enfin, la vision de la sensibilité environnementale et patrimoniale est partagée par les parties prenantes qui privilégient principalement les services de régulation et de maintenance ainsi que l’identité locale. Il n’y a pas de tendance claire au sein de ce groupe en termes de composition.«En conclusion, la méthodologie ‘Q’ a contribué à une vision plus pluraliste des services écosystémiques et joué un rôle important pour développer une nouvelle approche de leur évaluation non monétaire en se basant seulement sur les valeurs exprimées par les parties prenantes, explique le CNRS. Cette méthodologie a évité de déclencher un réflexe de rejet par l’évocation d’une monétarisation des services écosystémiques, et pourra être utilisée comme un outil d’aide à la décision pour la conservation des écosystèmes lagunaires et leur restauration écologique ».

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