Réunis à Genève, plus de 200 Etats travaillent d’arrache-pied pour s’entendre sur un cadre mondial protégeant la nature, mise à mal par les activités humaines. Mais comment s’assurer que les mesures adoptées seront bien mises en oeuvre?
Les membres de la Convention pour la diversité biologique (CDB) négocient jusqu’à mardi un texte visant à mieux protéger la nature à horizon 2050, avec une étape à 2030, qui sera adopté lors de la COP15 biodiversité plus tard cette année. En 2010, cette convention de l’ONU avait adopté les objectifs d’Aichi. Dix ans plus tard, force est de constater qu’ils n’ont pas été atteints et que la dégradation de la nature, pourtant indispensable aux humains, se poursuit. Cet échec s’explique principalement par « un manque de volonté politique et les membres (de la convention) n’en avaient pas suffisamment fait une priorité », commente à l’AFP Anna Heslop, de l’ONG ClientEarth, qui suit les négociations à Genève. « Les objectifs d’Aichi n’étaient pas le problème en soi, il y a eu une absence de mise en oeuvre. Nous ne pouvons pas nous permettre d’en être au même point dans dix ans », avertit-elle, alors que la biodiversité disparait à un rythme effréné sous les pressions humaines. Le texte en négociation, qui sera adopté lors de la COP15 biodiversité en Chine, comprend une série de propositions pour ne pas répéter les mêmes erreurs. « Ce dont nous avons besoin est un meilleur cadre pour encourager les membres à planifier, déclarer (ce qu’ils font) et une communauté internationale qui agisse. Conserver ces trois éléments est un défi », commente un négociateur d’un pays du Nord.
Regarder les progrès accomplis
Le think tank IDDRI propose plusieurs pistes pour une meilleure application des objectifs qui seront adoptés: renforcer les Stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB) que doivent élaborer les pays membres de la CDB pour protéger et utiliser durablement leurs ressources naturelles. Il faut que les pays mesurent périodiquement les progrès effectués, puis qu’une évaluation mondiale juge si la somme des efforts nationaux met le monde sur la bonne voie pour mieux protéger la nature. Actuellement, chaque pays élabore son plan national biodiversité sur une base différente, rendant les comparaisons difficiles. Autre difficulté, les rapports rendant compte des progrès réalisés sont parfois publiés avec retard. A Genève, les délégations ont travaillé à l’élaboration d’indicateurs communs. « Il est utile d’harmoniser les formats des rapports et les SPANB, pour évaluer plus facilement où nous en sommes au niveau mondial », explique Anna Heslop. « Mettons en place des mécanismes de revue collective et individuelle pour qu’il y ait plus de pressions et que ça se répercute sur les ambitions et mises en oeuvre au niveau national », complète Juliette Landry, chercheuse à l’IDDRI. ONG et experts ont imaginé un calendrier qui permettrait de mettre à jour les SPANB après la COP15, puis de voir régulièrement où en est chaque pays et d’effectuer une évaluation mondiale d’ici 2030 pour s’assurer que les objectifs ont bien été remplis et le cas échéant redresser la barre. Les pays n’ayant pas le temps de mettre à jour leurs stratégies et plans nationaux pourraient présenter un plan plus succinct, suggèrent-ils. Des pays en développement soulignent qu’ils auront besoin de moyens et de transfert de technologies. « Vous ne pouvez pas demander aux gens de faire de la planification spatiale s’ils n’ont pas de moyens », relève un délégué du Sud. Autre proposition de l’IDDRI, la création d’un mécanisme de conformité. Il ne s’agit pas de montrer du doigt des pays pour les blâmer, assure Juliette Landry, alors que les Etats membres semblent montrer peu d’appétence pour le mécanisme. Au contraire, il permettrait de mettre à jour « les décalages entre ce qu’avaient planifié les pays et ce qu’ils ont mis en oeuvre » et de trouver des solutions en s’inspirant d’exemples mis en place par certains pays et par du partage d’expérience, argue la chercheuse. Sans un tel mécanisme, « tout le processus est dénué de sens car personne ne prendra ses responsabilités et personne à l’extérieur de la Convention ne la prendra au sérieux », insiste Oscar Soria, de l’ONG Avaaz, présent à Genève.