🔻 Chasse traditionnelle à Taïwan: un aborigène gracié par la présidente

Photo d'illustration © CEphoto, Uwe Aranas / Wikimedia

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© CEphoto, Uwe Aranas / Wikimedia
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Un aborigène taïwanais qui risquait d’aller en prison pour avoir tué des animaux protégés a bénéficié d’une très rare grâce présidentielle, les autorités jouant l’apaisement sur une affaire qui avait scandalisé les peuples autochtones de l’île.

Tama Talum, un aborigène Bunun, avait été arrêté en 2013 pour avoir tué deux animaux protégés avec un fusil modifié et condamné à trois ans et demi de prison. La décision avait suscité la colère des aborigènes qui défendaient leur droit à pratiquer la chasse traditionnelle à laquelle leurs communautés s’adonnent depuis des siècles. Elle avait donné lieu à de nombreux recours qui étaient allés jusque la Cour suprême et la Cour constitutionnelle. Jeudi, la présidence a annoncé que M. Talum avait bénéficié de la première grâce accordée par Tsai Ing-wen depuis son arrivée au pouvoir il y a cinq ans, une décision prise « par respect pour les traditions des peuples aborigènes« . « M. Talum a violé des lois en chassant des animaux sauvages, mais la présidente a pris en compte le fait qu’il soit allé à la chasse pour nourrir un membre de sa famille qui était souffrant« , a indiqué la présidence dans un communiqué.

M. Talum, 62 ans, a jugé que cette grâce était « une bonne chose à titre personnel« . « Mais il n’y a aucun progrès sur la question en général, la chasse reste un crime« , a-t-il déploré auprès de l’AFP. « Je m’inquiète de ce qu’il y ait à l’avenir un deuxième ou un troisième Talum et j’espère que le gouvernement amendera les lois en question. » La question de la chasse traditionnelle que pratiquent les aborigènes taïwanais depuis des siècles est devenue emblématique du conflit qui oppose leurs communautés aujourd’hui marginalisées et la majorité chinoise qui a colonisé l’île à partir du 17ème siècle. L’affaire avait suscité l’inquiétude d’organisations de défense de l’environnement et de protection de la faune. Mais les aborigènes affirment qu’un équilibre peut être trouvé et dénoncent de leur côté un système judiciaire biaisé et discriminatoire à l’égard des cultures et coutumes aborigènes.

Au début du mois, la Cour constitutionnelle a reconnu que certaines restrictions au droit des peuples autochtones de chasser étaient anticonstitutionnelles, sans toutefois prôner la révision de l’ensemble des dispositions que les mouvements aborigènes dénonçaient comme contraires à leurs traditions. D’après les anthropologues, les aborigènes de Taïwan ont migré de Malaisie ou d’Indonésie. Leurs langues et coutumes sont beaucoup plus proches de celles du Pacifique et de l’Asie du Sud-Est que de la Chine. Le sentiment d’être des laissés-pour-compte remonte à la perte de leurs droits ancestraux sur la terre, déjà menacés par l’arrivée d’immigrants chinois il y a 400 ans. Ces terres sont aujourd’hui en grande partie classées parc naturel, ce qui provoque des disputes sur la chasse et la pêche. A l’instar des populations autochtones d’Australie ou d’Amérique, les aborigènes de Taïwan ont été décimés par les vagues d’immigration successives, puis ont souffert de discriminations sous la colonisation japonaise et la dictature du Kuomintang.