Un arrêté interministériel supprime toutes les limites maximales de résidus de chlordecone dans les fruits et les légumes.
La semaine dernière, François de Rugy avait annoncé la signature prochaine d’un arrêté ministériel visant à abaisser les valeurs limites acceptables de chlordécone, un insecticide cancérogène longtemps utilisé en Guadeloupe et Martinique, « dans les aliments à base de viandes et de poissons ». Promesse tenue. Publié au Journal officiel du 29 janvier, un arrêté abaisse en effet les limites maximales applicables aux résidus de chlordécone que ne doivent pas dépasser certaines denrées alimentaires… mais cantonne désormais ces limites aux produits issus de la viande et du poisson. Tous les végétaux ont disparu du nouvel arrêté. Laconique, le nouveau texte indique en effet : « Le tableau figurant à l’annexe de l’arrêté du 30 juin 2008 susvisé est remplacé par le tableau figurant à l’annexe du présent arrêté ». Or, alors que le tableau annexé à l’arrêté de 2008 comportait plusieurs pages et détaillait minutieusement les limites maximales pour chaque aliment, le nouveau tableau vise exclusivement la viande bovine et le poisson.
Contacté par ANES et par d’autres médias, le ministère de la transition écologique renvoie vers le ministère de l’agriculture, lequel annonce des explications… qui ne viennent pas.
Utilisé jusqu’en 1993 aux Antilles par les producteurs de bananes, le chlordécone, insecticide cancérogène et perturbateur endocrinien, est toujours présent dans les sols où il peut persister environ 600 ans et peut se retrouver notamment dans certaines denrées d’origine végétale ou animale ainsi que dans certains captages d’eau. Cet arrêté « garantira un haut niveau de protection sanitaire pour les consommateurs », avait même indiqué le ministre, répondant à la députée Laurence Vanceunebrock-Mialon (LREM), lors d’une audition devant la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale.
L’arrêté du publié le 29 janvier
Mise à jour du 31 janvier à 11 h 19
Voici la réponse du ministère de l’agriculture, parvenue à ANES après la mise en ligne de cet article : « Les LMR (limites maximales de résidus) végétaux et céréales restent inchangées ; elles n’ont pas été reprises dans l’AM (arrêté ministériel) pour des raisons logistiques car figurant déjà au niveau de la réglementation UE ».
Cette réponse appelle plusieurs précisions :
- Les LMR sont précisées dans deux « règlements » de l’Union européenne. Les règlements sont des textes « d’application directe » : ils n’ont pas besoin (contrairement aux « directives ») d’être transposés dans le droit français pour être applicables ;
- Ces règlements étaient déjà en application lorsque l’arrêté de 2008 a été signé. Il n’y a donc aucune raison juridique pour que l’arrêté publié cette semaine adopte une présentation différente du précédent ;
- Les deux règlements européens en question sont des textes extrêmement complexes, d’accès ardu, et comportant plusieurs dizaines de pages de tableaux : ils statuent en effet sur des dizaines de substances. Le tableau complet annexé à l’arrêté français de 2008 permettait un accès simple et rapide aux LMR du chlordecone pour chaque produit alimentaire ;
- La rédaction du nouvel arrêté est juridiquement critiquable : en « substituant » un tableau à un autre, sans mentionner le cas des produits qui ne figurent pas dans le nouveau tableau, il indique implicitement que la réglementation concernant ces produits a changé. Nul doute que l’insécurité juridique liée à cette rédaction maladroite sera génératrice de contentieux.