France : l’évaluation environnementale fout le camp ! (3 mn)

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C’est un cri d’alarme que lancent, dans leur rapport d’activité 2018, l’Autorité environnementale (Ae) et ses Missions régionales (MRAe) : faute de moyens, les MRAe ont été conduites à faire des arbitrages pour pouvoir assurer la mission qui leur a été confiée pour les projets : davantage de plans/programmes qu’en 2017 ont fait l’objet d’une absence d’avis. 

Chargée de rendre des avis sur la qualité des études d’impact, des projets, plans et programmes d’aménagement, l’Ae s’attache à vérifier de façon rigoureuse les données présentées dans les dossiers qui lui sont soumis, en référence à un cadre juridique et réglementaire construit depuis un demi-siècle, pour améliorer la connaissance des écosystèmes, évaluer les effets négatifs et positifs, puis éviter ou réduire les impacts des projets et des plans/programmes et diminuer les pressions sur l’environnement. En fournissant en toute indépendance aux maîtres d’ouvrage, au public et aux autorités de décision une analyse critique permettant au débat démocratique de se dérouler sur des bases objectives, l’Ae contribue à l’amélioration des dossiers qui lui sont soumis et à la sécurité juridique des décisions publiques. La réponse aux enjeux demeure pourtant insuffisante. Si, de plus en plus souvent, des maîtres d’ouvrage sont attentifs aux alertes et proposent des mesures visant à ralentir, voire à corriger les imperfections de leurs projets, l’Ae a en revanche régulièrement relevé, notamment dans ses rapports annuels précédents, une prise en compte très insuffisante des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique dans la plupart des dossiers, notamment d’infrastructures routières. L’année 2018 n’a pas fait exception sur ce point. Dans le domaine du bruit, les mesures de protection restent trop souvent définies a minima, selon une interprétation erronée de la réglementation. La prise en compte de la biodiversité reste insuffisamment ambitieuse pour ralentir son érosion et la perte d’espaces naturels. Les plans d’actions nitrates, au vu du sixième plan national et des dix plans régionaux qui le complètent, ne démontrent pas en quoi ils sont susceptibles de réduire les concentrations dans les eaux souterraines et superficielles. 

Dans ce contexte, les membres de l’Ae s’alarment de la faiblesse des moyens dont ils disposent au regard de leur mission : «  les MRAe ont été conduites à faire des arbitrages pour pouvoir assurer la mission qui leur a été confiée pour les projets : davantage de plans/programmes qu’en 2017 ont fait l’objet d’une absence d’avis, écrit dans un éditorial le président de l’Ae Philippe Lendevic. Compte tenu de la charge de travail supplémentaire, aucun nouveau travail collectif entre l’Ae et les MRAe n’a été initié. 

Cette situation transitoire atteint ses limites : contrairement aux années précédentes, une majorité de MRAe ont été contraintes de ne pas rendre d’avis sur des dossiers à enjeu ou à ne pas pouvoir en débattre collégialement, compte tenu du nombre de nouveaux dossiers à prendre en charge et les DREAL n’étant pas en mesure de pouvoir leur soumettre des projets d’avis par manque de moyen ou de temps ; alors que les avis pour les plans/programmes sont préparés par des agents dont l’évaluation environnementale est le métier principal, certains avis sur des projets n’ont pas pu être préparés selon les mêmes modalités. Ainsi, les conditions fixées par le Conseil d’État lors de la mise en place des MRAe (autorité fonctionnelle des présidents de MRAe sur les agents qui contribuent à cette mission) n’ont pas pu être pleinement respectées. 

Il devient désormais urgent que ce nouveau dispositif soit arrêté, comme vient d’ailleurs de le souligner la Commission européenne dans sa mise en demeure adressée à la France le 7 mars 2019. Celui-ci nécessite une base juridique solide en conformité avec les attentes exprimées par le Conseil d’État et il requiert des évolutions d’organisation dans certaines directions régionales et la consolidation des moyens qui y sont affectés à cette mission, ainsi que des ressources nécessaires à l’indépendance de l’Ae et des MRAe, en nombre de membres et en matière de prise en charge des membres associés ». 

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