Un avocat fustige le décalage entre l’augmentation des contentieux environnementaux et la quasi-absence de réponse judiciaire. Il propose la création de chambres et d’un parquet spécialisés sur la question
Dans une tribune au « Monde » du 6 mars, Sébastien Mabile, avocat spécialisé dans le contentieux environnemental et président de la commission du droit et des politiques environnementales du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a plaidé pour l’introduction de chambres et d’un parquet spécialisés dans l’environnement. Partant du constat qu’une conscience citoyenne s’éveille de plus en plus quant aux problématiques d’environnement et de biodiversité, l’avocat avant le nombre croissant de contentieux découlant de la dégradation de la nature partout dans le monde. En France, « selon l’Office national de la délinquance et des réponses pénales, plus de 78 000 infractions environnementales ont été constatées en 2016, soit plus de 200 par jour : c’est donc loin d’être marginal, » affirme-t-il. Mabile souligne pourtant le décalage entre la multiplication de ces affaires et leur traitement judiciaire : « en 2016, selon le ministère de la justice, seules 18 % des infractions signalées dans le domaine environnemental ont fait l’objet de poursuites pénales, contre 46 % pour l’ensemble des infractions. » Il incrimine notamment les magistrats, dont les compétences n’englobe souvent pas la compréhension des enjeux environnementaux, et qui vont traiter en priorité les atteintes aux personnes par rapport aux atteintes à l’environnement. Celles-ci sont traitées par la justice « comme des infractions mineures », ou tout simplement pas poursuivies, comme pour « les dépôts sauvages d’ordures ou les petites pollutions agricoles ».
Dans un communiqué, l’UICN France, à laquelle Sébastien Mabile est rattaché, résume les propositions de ce dernier pour remédier à la situation. « Il faudrait centraliser les procédures des atteintes à l’environnement au sein de certains ‘‘grands’’ tribunaux de grande instance, afin de donner aux juges un volume d’affaires suffisant, seul susceptible de les inciter à s’investir dans la formation. » Le communiqué préconise par ailleurs d’intégrer des spécialistes des sciences de la vie au processus de formation de jusgement, à l’instar d’autres pays tels que l’Inde, la Suède ou la Nouvelle-Zélande. « En France, il ne s’agit donc pas de créer des ‘‘tribunaux verts’’, mais des chambres spécifiques au sein des juridictions de droit commun en s’appuyant sur l’expérience des juridictions du littoral maritime spécialisées (Julis) créées en 2001, » qui traitent les dossiers de rejets de polluants dans les eaux françaises et dont la jurisprudence a permis de faire baisser leur nombre. « Il est également indispensable de créer un parquet national spécialisé, disposant de relais régionaux, et qui constituerait un interlocuteur privilégié pour les victimes de dommages environnementaux, » conclut le communiqué.