Faire sans le glyphosate, un défi pour les agriculteurs

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Si le glyphosate semble avoir encore de beaux jours devant lui, des alternatives émergent, tels que les désherbants naturels ou les pratiques associant des plantes compagnes aux cultures de rente pour lutter contre les mauvaises herbes.

Le maintien sur le marché du glyphosate, substance active de nombreux herbicides soupçonné d’être cancérigène, a été renouvelé pour 5 ans lundi 27 novembre. Alors que certains agriculteurs le jugent irremplaçable, d’autres affirment ne pas en avoir besoin. « Le glyphosate, on ne l’utilise pas car on n’en a pas besoin », tranche Patrick Thomas qui produit 270.000 litres de lait par an avec sa cinquantaine de vaches. Sur son exploitation de 64 ha dont 85% en prairie, l’agriculteur privilégie « les rotations longues » qui, dit-il, « cassent le cycle des mauvaises herbes »: la culture reste la même pendant plusieurs années sur chaque parcelle, par opposition aux rotations courtes classiques. « On n’est pas embêté par les mauvaises herbes annuelles qui sont très peu présentes à cause de la longueur de la rotation », au minimum de cinq ou six ans pour les prairies, qui « laisse respirer la terre et l’enrichisse ».

Au-delà de la modification des pratiques agricoles conventionnelles, des alternatives au glyphosate existent -désherbage manuel, mécanique, thermique, etc- et sont déjà utilisées, en particulier par les collectivités où l’usage des phytosanitaires est interdit depuis le début de l’année. D’autres cherchent à obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM), comme le désherbant naturel mis au point par la PME bretonne Osmobio qui a obtenu l’aval de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques). Mais pour cette entreprise de dix salariés, les voies de l’homologation sont pavées d’embûches. « On est une petite société, on n’a pas les moyens de mener les études complémentaires pour déposer un dossier complet à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, ndlr) sans savoir exactement ce qui est nécessaire », explique à l’AFP Jacques Le Verger, son fondateur, qui a déjà déposé son brevet dans plusieurs pays. Après avoir visé le grand public, Osmobio s’est recentré sur les
professionnels tels que la SNCF (entretien des voies) ou la Direction des routes. Deux campagnes d’essais ont été effectuées par cette dernière. Et cette expérimentation « a été évaluée positivement », indique la DIRO (Direction des routes de l’Ouest) dans un récent communiqué. Mais elle a suspendu l’expérimentation « dans l’attente d’une autorisation de mise sur le marché du produit ».

Une étude récemment publiée par des scientifiques de l’Inra montre que d’autres alternatives naturelles au glyphosate sont possibles. Ainsi, l’association de plantes de services légumineuses (trèfles, luzernes, lotier, fenugrec, pois, arachide, astragale…) à une culture de rente (avoine, blé, épeautre, orge, triticale, maïs, chou, coriandre, courge, fève…) diminue globalement la pression des mauvaises herbes sans réduire le rendement des cultures. Appelées « plantes compagnes », ces plantes de couverture non récoltées, sélectionnées de façon à ce qu’elles n’entrent pas en compétition avec les cultures, ont diminué la biomasse des mauvaises herbes de 56 % par rapport à un traitement témoin non désherbé et de 42 % par rapport à un traitement désherbé, sans qu’un effet significatif sur les rendements n’ait pu être démontré.

Malgré l’émergence de ces alternatives, la popularité du glyphosate, l’herbicide le plus vendu au monde, demeure importante, et son efficacité ainsi que la sécurité de son utilisation restent, pour certains, incontestables. Ainsi le chimiste allemand Bayer, qui s’apprête à mettre la main sur son rival américain Monsanto, inventeur du glyphosate, a regretté que l’autorisation de l’herbicide n’ait pas été renouvelé pour quinze années complètes. Le chimiste a fait valoir qu’environ 3.300 études scientifiques ont été entreprises à ce jour sur la sécurité du glyphosate. « Les autorités de réglementation et les organismes scientifiques du monde entier, y compris ceux d’Europe (en particulier les rapports d’évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments EFSA et de l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR)) ont soigneusement évalué le composant et considèrent le glyphosate comme sûr », a ajouté le groupe.