Les magistrats invitent le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) à se réformer en profondeur
« Alliant recherche, enseignement, expertise, conservation du patrimoine et accueil du public, le Muséum peine à faire cohabiter ses différentes missions et à faire vivre son modèle singulier, écrivent notamment les magistrats dans le rapport annuel de la Cour des comptes. La question de son démantèlement a pu se poser à différentes périodes de son histoire récente, en séparant par exemple la diffusion (gestion des zoos, des jardins botaniques, des collections) de l’enseignement et de la recherche. Si cette option n’est pas à exclure, elle n’est pas d’actualité. Il est impératif au contraire de sortir le Muséum des débats statutaires qui l’ont occupé sans discontinuer ces dernières années, au détriment des choix opérationnels sur sa gestion et sur ses projets ».
Parmi les dysfonctionnements qui hypothèquent l’avenir de l’établissement, la Cour relève principalement les investissements malencontreux engagés pour la rénovation du Parc zoologique de Paris (Vincennes) et du Musée de l’Homme. En particulier, le partenariat public-privé mis en place pour financer la rénovation du zoo de Vincennes sur fondait sur un objectif totalement irréaliste de fréquentation de 1,4 million de visiteurs par an (alors que la fréquentation constatée en 2015 n’a pas dépassé 926 000 visiteurs). Cette erreur d’appréciation initiale conduit le seul zoo à afficher un déficit de plus de 7 M € par an.
Concernant le Musée de l’Homme, la cour relève que « l’impréparation de l’opération » et son « lancement précipité » ont conduit à un quasi doublement du budget, de 52,3 à 92,3 M€.
Au-delà de ces deux projets-phares, la Cour épingle la dispersion des missions de l’établissement, et la faiblesse de son activité d’enseignement. Elle relève ainsi que le Muséum emploie 237 enseignants-chercheurs pour… 180 étudiants !
Sur l’activité de recherche, la Cour écrit que « la qualité de la recherche est dépendante de la qualité des personnels scientifiques recrutés. Signe inquiétant pour l’établissement, la sélectivité des concours d’entrée des corps d’enseignants-chercheurs du Muséum apparaît nettement moins élevée que celle des concours dans les universités et les organismes de recherche. L’attractivité internationale du Muséum mesurée en termes de recrutement de chercheurs étrangers est également inférieure. »
Le rapport contient certaines observations cruelles pour le MNHN : « la réserve de la Haute-Touche dans l’Indre389 n’a reçu que 50 187 visiteurs en 2014, quand le zoo de Beauval, situé à 60 km de là, en a accueilli plus d’un million en 2015 ».
Touche finale, le rapport critique vertement la réforme de la gouvernance de l’établissement appliquée depuis 2015, qui rend le pouvoir de direction aux personnels : « La crise de la gouvernance aura, trois années durant, mis à l’arrêt le mouvement de modernisation de l’établissement, alors que réformer les statuts n’apparaissait ni urgent, ni nécessaire. A contrario, cette réforme a affaibli la responsabilité de gestion à la tête de l’établissement, au moment où les enjeux financiers devenaient prépondérants. En outre, la création auprès de chaque directeur général délégué d’une instance consultative, composée à majorité de représentants du personnel, risque de freiner le mouvement de réforme dans un établissement historiquement rétif au changement. »
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