Pour lutter contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, les métropoles cherchent à restaurer des espaces naturels. La création de microforêts urbaines selon la méthode « miyawaki » est en plein essor, mais fait l’objet de réticences de la part des scientifiques.
Qui ne rêve pas d’avoir les avantages de la campagne à la ville ? De plus en plus, les métropoles françaises sacrifient quelques centaines de mètres carrés de béton pour restaurer des espaces naturels et créer des microforêts urbaines. Une initiative largement encouragée pour lutter contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Parmi les différentes techniques de reboisement et de restauration, la méthode « Miyawaki » se démarque depuis quelques années en Europe, initiée par une entreprise belge. Dans un article publié par The Conversation, des scientifiques de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) estiment que ces microforêts ne sont pas réellement des forêts.
Les microforêts selon la méthode « miyawaki » consistent à s’inspirer de la composition naturelle des communautés végétales forestières et des processus dynamiques spontanés des forêts. Il s’agit ainsi de réaliser des plantations denses d’environ trois jeunes plants ligneux (plante avec une forte quantité de molécule permettant de composer le bois) d’environ 30 à 60 cm de hauteur par m2. Ces plantations sont réalisées après préparation du sol en passant par la fertilisation organique par fumier, compost, apport de sciure et par la technique de paillage. Le paillage consiste à disposer une sorte de film plastique appelé « paillis » sur le sol afin d’empêcher le développement des mauvaises herbes qui pourraient entrer en concurrence avec les plants. L’intervention humaine est requise sur une durée de trois ans pour arroser les jeunes pousses d’arbres et désherber. Après ça, « la plantation est considérée autonome », explique The Conversation. « Le but est donc d’associer un grand nombre d’espèces de diverses essences ligneuses locales en vue de constituer des peuplements denses correspondant à la végétation naturelle potentielle du site. Les espèces les mieux adaptés se maintiendront », ajoute le média.
Originaire du japon, cette méthode a été plutôt bien accueillie en Europe depuis que l’entreprise belge Urban Forest l’a initiée. Paris a commencé à développer des microforêts urbaines en 2018 sur une portion de 400 m2 sur un talus du boulevard périphérique à la porte de Montreuil (20ème arrondissement). Depuis, de nombreuses autres microforêts ont été créée dans d’autres métropoles comme à Toulouse ou Strasbourg. Malgré un intérêt grandissant pour la méthode Miyawaki, des scientifiques de l’Inrae restent sceptiques. Dans un autre article publié dans The Conversation, ils expliquent que les promoteurs de la méthode mettent en avant la croissance rapide des arbres et la restauration d’un écosystème forestier en quelques années. « L’idée est séduisante et la rhétorique évocatrice, mais est-ce la panacée pour autant ? », s’interrogent-ils. Ils rappellent que si une microforêt pousse si vite, si haut et presque sans entretien, c’est parce que les arbres « cherchent tous à accéder le plus rapidement possible à la lumière, à l’eau et aux nutriments, avant que leurs voisins n’accaparent ces ressources ». Un phénomène naturel de compétition entre espèces, mais qui aurait d’importantes conséquences écologiques.
Les chercheurs de l’Inrae mentionnent en effet une des rares études menées en Europe sur l’efficacité de la méthode de Miyawaki. Celle-ci fait état de 61% à 84% de mortalité des arbres 12 ans après la plantation, ce qui signifie que toutes les jeunes pousses ne donnent pas des arbres et que beaucoup restent à l’état d’arbrisseaux. Les scientifiques remettent également en question l’appellation de « microforêts ». Selon eux, bien que ces plantations apportent les services écosystémiques propres aux forêts comme la séquestration du CO2 et la création d’un habitat pour la biodiversité qu’elles hébergent, il s’agit plus d’un concept marketing que scientifique « parce qu’en écologie aussi, la taille compte ». Ils expliquent que les petites forêts hébergent une biodiversité plus faible et sont beaucoup plus vulnérables aux perturbations que les grandes. Par conséquent, ces chercheurs remettent en question les affirmations commerciales selon lesquelles les microforêts réalisée par la méthode Miyawaki restaurent la biodiversité des forêts primaires ou que cette méthode est aussi efficace que les méthodes traditionnelles. Ils concluent en précisant que leur propos « n’est pas de nier les très nombreux services écologiques rendus par les arbres et les forêts aux populations urbaines, ni même de contester les enjeux de la végétalisation des villes. Seulement, il faut appeler un chat un chat, un arbre un arbre, un bosquet un bosquet et une forêt une forêt ».
Dans un article récent, The Conversation propose une nouvelle approche qui consiste, entre autres, à envisager d’implanter les microforêts dans une géométrie linéaire ou sinueuse afin d’accroître la surface bénéficiant réellement du boisement grâce aux effets de bordure « avec les espaces avoisinants, tant au niveau du sous-sol pour l’extension du système racinaire que de l’espace aérien pour le déploiement de la canopée. ». Le média conseille également d’analyser les milieux dans lesquelles les microforêts seront plantées afin de sélectionner les terrains les plus prometteurs et les essences les mieux adaptés afin de se rapprocher au mieux de forêts « classiques ».