L’ONG allemande LobbyControl révèle que les études « indépendantes » utilisées pour justifier l’autorisation du glyphosate en Europe étaient financées par Monsanto (aujourd’hui rachetée par Bayer).
Début décembre, l’ONG faisait état d’études sur le glyphosate que Monsanto avait secrètement financées et utilisées pour son propre lobbying. Il s’avère maintenant que l’affaire est encore plus importante. D’autres études ont été financées secrètement au Royaume-Uni. Avec ces études, Monsanto a réussi à peser sur le débat sur la ré-autorisation du glyphosate en Europe.
Alors que la nouvelle approbation du glyphosate, un désherbant, était en discussion entre 2010 et 2017, l’institut privé d’un professeur d’université de Giessen (Allemagne, land de Hesse) a publié deux études sur le glyphosate. Les résultats se sont concentrés sur les avantages du glyphosate et ont mis en garde contre les dommages économiques qui pourraient résulter d’une éventuelle interdiction de ce pesticide. Les messages de ces études se sont répandus parmi les experts et le personnel politique. Ce qui n’était pas indiqué, c’est que les études ont été commandées et financées par Monsanto. Seul le travail de LobbyControl a révélé ce « détail ». Suite à la publication de ces informations par l’ONG, Bayer, l’actuelle société mère de Monsanto, a admis que les études étaient en fait commandées et financées par Monsanto. Le Journal of Crop Plants, dans lequel les résultats de l’étude ont été publiés, a annoncé que les articles seraient retirés. L’université de Giessen a également pris ses distances avec son professeur et envisage désormais de modifier ses propres statuts.
Poursuivant ses investigations, LobbyControl a demandé à Bayer quelles autres études Monsanto et Bayer avaient commandées sur le glyphosate, sans obtenir de réponse dans un premier temps. Ce n’est qu’après plusieurs suivis d’études que Bayer a admis que des études similaires au Royaume-Uni étaient également financées par Monsanto. Il s’agit plus précisément de deux études du Royaume-Uni publiées dans la revue Outlooks on Pest Management, dont aucune ne précisait que le financement provenait de Monsanto, qui a clairement utilisé ces études pour son travail de lobbying. Le « Glyphosate Task Force » (qui regroupe tous les industriels liés au produit) y a fait référence. Au sein de la Task Force Glyphosate, Monsanto et d’autres producteurs de glyphosate avaient uni leurs forces pour demander la ré-autorisation du glyphosate dans l’UE. En Allemagne, l’Union nationale des agriculteurs a également utilisé ces études dans sa propre campagne pour la conservation du glyphosate. Les publications ont été présentées comme des recherches effectuées par un cabinet de conseil « indépendant », ce qui – étant donné le financement de Monsanto – est tout simplement faux. Après que le journal britannique Guardianait interrogé le Syndicat national des agriculteurs britannique cette semaine, il a finalement ajouté une référence au financement de Monsanto. L’article de Wikipédia en langue allemande sur le glyphosate utilise également l’une des deux études comme preuve des conséquences négatives d’une interdiction du glyphosate.
Au-delà de la fraude quant au financement, l’analyse des études contestées montre aussi une flagrante malhonnêteté scientifique. Comme les études de Giessen, l’une des deux études britanniques, qui traite de l’impact économique d’une éventuelle interdiction du glyphosate, présente des anomalies dans les données et les hypothèses sous-jacentes. Les auteurs se réfèrent aux statistiques officielles du ministère britannique de l’agriculture… mais le document indique que Monsanto considère que les données officielles sur l’utilisation du glyphosate sont trop faibles. Les auteurs de l’étude ont donc utilisé des valeurs beaucoup plus élevées : au lieu d’une enquête officielle, qui couvrait 5 % de la surface agricole, on a utilisé les hypothèses de deux ateliers auto-organisés avec des agronomes anonymes. Elles provenaient de l’Association des consultants indépendants en semences, dont le président a été un ardent défenseur de l’approbation du glyphosate dans le passé.
Monsanto a donc manifestement eu une influence directe sur les données utilisées dans l’étude. « Dans une première réponse, précise LobbyControl, le cabinet de conseil nous a écrit que Monsanto n’avait aucune influence sur le contenu de la publication. Lorsque nous les avons interrogés sur la sélection des données, ils ont dit qu’ils ne voulaient pas commenter ces questions ».
Il y a d’autres anomalies dans l’étude : il est question de lourdes pertes de rendement si une forme quelconque d’application de glyphosate (le traitement avant les semailles) n’est plus possible. Cependant, la source utilisée concerne principalement d’autres pesticides et ne peut donc pas justifier de manière convaincante cette hypothèse. Le consultant n’a pas non plus voulu répondre aux questions de l’ONG concernant cette source. En conséquence, l’utilisation de ces données et hypothèses conclut à une perte potentielle de ventes beaucoup plus drastique pour le secteur agricole, qui a permis à Monsanto de livrer des messages outrancièrement alarmistes… et d’obtenir de l’Union européenne une prolongation de 5 ans de son autorisation.