« Si la Montagne d’or ne recule pas, nous allons droit vers l’affrontement », préviennent six organisations amérindiennes opposées à ce projet minier en Guyane dans une lettre ouverte adressée lundi à Emmanuel Macron, en dépit des « modifications d’ampleur » que la Compagnie Montagne d’Or (CMO) affirme avoir apportées à son projet. Dans ce contexte, un courrier du préfet de Guyane révélé par Actu Environnement pourrait exacerber les tensions.
« Les peuples premiers de Guyane ne se laisseront plus jamais faire, écrivent les co-signataires qui représentent 10.000 à 15.000 Amérindiens de Guyane. Ils réaffirment leur rejet catégorique » du plus grand projet de mine d’or à ciel ouvert à l’étude en France. Le front commun autochtone intervient après les « engagements » pris vendredi dernier par la compagnie Montagne d’or notamment à destination des Amérindiens et de leur « patrimoine humain et naturel ».
« Tirant les enseignements du débat public organisé en Guyane, CMO a décidé de poursuivre son projet en y apportant des modifications d’ampleur et des améliorations significatives pour réduire au maximum les impacts sur l’environnement et maximiser les retombées économiques et sociales pour le territoire, a précisé la société dans un communiqué. La CMO a adhéré, comme elle s’y était engagée, au Code international de gestion du cyanure, elle privilégiera la production d’énergie sur le site de manière à éviter la construction d’une ligne électrique de 90.000 volts et réduire l’étendue des zones à défricher et donnera la priorité aux énergies renouvelables avec notamment un recours à l’énergie solaire », a-t-elle détaillé.
Un rapport commandé par le WWF France avait sévèrement critiqué en début de semaine le plus grand projet de mine d’or à ciel ouvert à l’étude en France, en remettant en cause les perspectives économiques espérées et l’impact environnemental sur l’écosystème local. « Ce sont des modifications cosmétiques, a réagi vendredi Pascal Canfin, directeur général de WWF France. Le gouvernement doit arrêter ce projet, le moyen le plus simple est de ne pas renouveler l’autorisation de concession qui s’arrête en décembre », a-t-il ajouté. Columbus gold et Nordgold, qui portent ce projet minier à Saint-Laurent-du-Maroni, avaient promis jusqu’ici de « développer l’économie guyanaise avec 750 emplois directs et 2.500 indirects » et plus de 300 millions d’euros d’impôts et taxes en 12 ans d’exploitation. Montagne d’or est soutenu localement par le Medef, la chambre de commerce et d’industrie, une partie des élus dont le président de la collectivité territoriale de Guyane, Rodolphe Alexandre. « La CMO réaffirme son engagement de contribuer à la création d’un fonds de développement et de diversification de l’économie de la Guyane. Elle approfondira la réflexion sur l’ouverture du capital de la Société Minière Montagne d’Or aux collectivités du territoire et acteurs économiques français, a poursuivi l’entreprise en se disant attachée au respect des
traditions et à la préservation du patrimoine. La CMO s’engage à mettre en place une politique de recrutement et de formation permettant d’atteindre l’objectif de 90% d’emplois locaux. Concernant la pérennité des emplois, la CMO s’engage à identifier et valoriser les ressources minières susceptibles de conduire à envisager une prolongation de la durée de vie au-delà des douze années prévues à ce stade », a-t-elle conclu. « Une nouvelle fois, la multinationale démontre sa tentative d’enfumage, opposent les militants amérindiens qui estiment qu’une embauche préférentielle est impossible à appliquer ».
WWF conteste de son côté l’utilisation de cyanure, un composant chimique qui peut se révéler toxique, ainsi que les promesses d’embauches locales, se basant sur l’exemple de la Guinée où Nordgold exploite une mine d’or. L’ONG critique aussi l’usage d’énergie solaire qui servirait uniquement au projet minier et pas à la population. En juillet, le gouvernement avait annoncé la création d’une commission interministérielle pour évaluer les « impacts » environnementaux et économiques de Montagne d’or. Le rapport, annoncé pour septembre mais qui n’est pas encore paru, doit aider le gouvernement à se positionner avant la fin de l’année sur le projet. En septembre 2018, un rapport du président de la commission particulière de débat public Roland Peylet concluait que « la détermination d’un nombre important d’Amérindiens à stopper le projet était apparue forte » au cours du débat public qui s’était déroulé en Guyane au premier semestre 2018.
Dans ce contexte, la révélation par Actu-Environnement d’un courrier adressé à la ministre es outremers le 16 mai dernier, alors que le débat public ne devrait se conclure que deux mois plus tard, pourrait enflammer les esprits. Dans ce texte, le représentant de l’Etat détaille à l’intention du gouvernement les modifications réglementaires nécessaires pour « blinder » juridiquement le projet et couper court à toute tentative des opposants d’agir sur le terrain de la justice administrative. Prenant très clairement le parti de CMO, le préfet expose notamment comment in faudra faire usage du « futur décret en Conseil d’Etat approuvant la révision du schéma départemental d’orientation minière pour porter à nouveau les demandes de la profession minière ».
La synthèse de l’étude du cabinet Deloitte Développement durable pour le WWF-France