La France renforce la population d’ours dans les Pyrénées en relâchant deux femelles

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Deux ourses ont été lâchées vendredi dans les Pyrénées-Atlantiques afin de sauvegarder l’espèce menacée d’extinction en France, malgré l’opposition d’éleveurs locaux dont certains ont menacé de prendre les armes contre les plantigrades.

« Je suis en mesure de confirmer aujourd’hui que deux ourses femelles ont été réintroduites dans le Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques», a indiqué le ministre de la Transition écologique François de Rugy dans une vidéo postée sur Twitter. Une première ourse originaire de Slovénie, dénommée Claverina, «‘l’héritière’ ou ‘celle qui détient les clés’ en béarnais », selon le ministère, a été relâchée dans les montagnes jeudi matin, probablement héliportée alors que des opposants anti-ours avaient dressé des barrages routiers pour tenter d’empêcher sa venue. Âgée de sept ans et pesant 140 kilos, elle est « la première ourse femelle à fouler le sol béarnais depuis une décennie», rappelle le ministère. La deuxième ourse slovène, « Sorita, ‘petite sœur’, l’a rejointe ce matin (…) D’un an son aîné, elle pèse 150 kilos », précise-t-on de même source. l’Agence forestière slovène a par ailleurs précisé que les deux ourses attendaient des petits, des propos que l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) a tempéré en affirmant qu’il est « impossible d’affirmer dès maintenant de manière certaine que les ourses Claverina et Sorita» attendent ou non des petits.

Les deux animaux étaient attendus de pied ferme, à la fois par les pro et les anti-ours. Leur arrivée avait été promise par le précédent ministre Nicolas Hulot alors que l’Union européenne avait mis en demeure fin 2012 la France pour avoir manqué à ses obligations de protection de cette espèce. Ce lâcher est « historique et va permettre de relancer une dynamique de vie », se félicite le Fonds d’intervention éco-pastoral (FIEP), association de défense de l’environnement. Actuellement, la population ursine dans les Pyrénées est de 43 animaux, après des réintroductions en 1996 et 2006, mais elle « n’est pas encore complètement viable et nécessite un renforcement sur le plan quantitatif – le nombre d’ours -, mais surtout sur le plan qualitatif, c’est-à-dire leur qualité génétique », explique à l’AFP Nicolas Alban, chef de projet pour cette opération à l’ONCFS. Le choix pour la réintroduction s’est porté sur deux femelles car il y a deux ours en Béarn, avec l’espoir de « renforcer cette partie occidentale des Pyrénées », poursuit-il. Les associations Ferus et Pays de l’Ours-Adet demandent à présent des mesures de protection particulières « pendant au moins un an » pour les plantigrades ainsi que d’autres lâchers à l’avenir. Elles rappellent que la dernière femelle représentante de l’ours de souche du versant français des Pyrénées, Cannelle, a été tuée en 2004 par un chasseur.

Pour les opposants aux ours, leur présence n’est pas compatible avec l’élevage. L’animal, qui se nourrit essentiellement de végétaux, peut toutefois s’attaquer à des brebis ou provoquer la chute de dizaines d’entre elles d’un escarpement si elles sont effrayées. Pour le député Jean Lassalle, le lâcher de plantigrades est « un pousse-au-crime», même si «la violence n’est pas une réponse à cette violence d’État irresponsable ». « L’État porte un coup fatal à des hommes et des femmes qui se battent pour la survie », a-t-il jugé vendredi. Jeudi, son frère Julien Lassalle, éleveur à Lourdios Ichère, déclarait: « maintenant, l’ours, on veut l’enlever par tous les moyens. Les armes, c’est le dernier moyen ». D’autres bergers ne partagent pas cet avis et militent pour la cohabitation avec l’animal. « Depuis la nuit des temps, les ours ont toujours été là, on a toujours cohabité. On ne les voit pas et cela ne change rien à notre vie», expliquait Elise Thébault, bergère à Etsaut, interrogée par l’AFP. Outre les indemnisations en cas d’attaques par des ours, des mesures d’accompagnement sont prévues par l’Etat pour limiter les risques en mettant en place un gardiennage permanent des troupeaux, l’achat de chiens de protection patou ou encore la mise en place de clôtures électriques mobiles.