La biomasse des insectes volants, essentiels aux écosystèmes, a diminué de plus de 75% en près de trente ans en Allemagne sans que les scientifiques ne parviennent à en déterminer la cause avec certitude.
Les chercheurs, qui ont mené leur étude dans des zones protégées en Allemagne depuis 1989, suspectent que les pesticides agricoles soient responsables de cette hécatombe préoccupante. Selon leurs conclusions publiées mercredi dans la revue Plos One, ce fort
déclin a été observé quels que soient les changements météorologiques, l’utilisation des sols ou les caractéristiques de l’habitat. Les entomologistes ont avancé que des facteurs à grande échelle devaient être impliqués, nécessitant des recherches supplémentaires pour les identifier. Ils ont également plaidé pour une évaluation géographique de ce déclin et de son impact potentiel sur l’écosystème. Les insectes volants jouent en effet un rôle crucial dans la pollinisation de 80% des plantes sauvages et dans l’alimentation de 60% des espèces d’oiseaux.
De précédentes études avaient révélé un déclin inquiétant de la diversité et de la population de certaines espèces (abeilles, papillons, etc) en Europe et en Amérique du Nord mais pas de la biomasse des insectes ailés sur une longue période.
Ces entomologistes de Krefeld, en Allemagne, ont recueilli des données pendant vingt-sept ans dans 63 réserves naturelles disséminées sur le territoire allemand. Ils ont pesé la masse totale des insectes qu’ils piégeaient et ont déterminé qu’elle avait diminué de 76% en moyenne, et même de 82% au milieu de l’été. « La diminution de la biomasse des insectes ailés est suspectée depuis longtemps mais s’est avérée être plus sévère qu’on ne le pensait, a relevé Caspar Hallmann, entomologiste à l’université Radboud, aux Pays-Bas. Le fait que la population de ces insectes se réduise dans de telles proportions et sur d’aussi vastes étendues géographiques est encore plus alarmant », a-t-il jugé. Selon lui, la plupart des zones étudiées sont des réserves naturelles protégées mais, malgré cela, leur masse a été fortement réduite. En majorité des petites surfaces, ces réserves sont entourées de zones agricoles utilisant des insecticides qui deviennent une sorte de « piège écologique » mettant en péril ces populations animales, a expliqué M. Hallmann. La météo pourrait expliquer en grande partie les nombreuses fluctuations de la masse des insectes au cours d’une saison ou d’une année sur l’autre, mais pas ce rapide déclin, ont estimé les scientifiques. Des résultats qui, selon M. Hallman, sont probablement représentatifs de ce qu’il se passe dans une grande partie de l’Europe et ailleurs dans le monde où des réserves naturelles sont au milieu de terres agricoles.
« Alors que des écosystèmes entiers dépendent des insectes pour la nourriture et la pollinisation, on peut s’inquiéter d’un déclin des populations d’oiseaux et de mammifères qui s’en nourrissent, a prévenu Hans de Kroon, également de l’université de Radboud. On peut difficilement imaginer ce qu’il pourrait advenir si ce phénomène de disparition des insectes ailés se poursuivait », s’est inquiété celui qui a dirigé cette étude. Mais comme les causes de ce déclin ne sont pas clairement établies à ce stade, il est difficile de prendre des mesures concrètes pour l’enrayer, a-t-il ajouté. Ces chercheurs espèrent que leurs conclusions vont servir de signal d’alarme et entraîner rapidement des études supplémentaires pour déterminer l’origine de cette disparition rapide des insectes volants et pour la combattre.