Des jumeaux attendus pour les prochaines heures à Beauval, un bébé né en Chine d’une mère en captivité et d’un père sauvage… Les heureux événements se succèdent pour les pandas géants.
« On reviendra pour voir les bébés ? », interroge une petite fille au zoo de Beauval (Loir-et-Cher) où les équipes se préparent fébrilement en coulisses à accueillir des milliers de
visiteurs pour la naissance de pandas jumeaux prévue vendredi ou samedi, une première en France. Cette question, des centaines d’autres enfants se la posent sûrement en écoutant une soigneuse annoncer que Huan Huan (« Joyeuse »), la femelle panda, attend des jumeaux.
Dans la foule des visiteurs estivaux, les pandas géants de Beauval prêtés par la Chine, âgés de neuf ans, sont plus que jamais des stars. Mais seul le mâle et père biologique Yuan Zi (« Fils de celui qui a la tête ronde ») assure le spectacle en extérieur. Tandis qu’il se prélasse devant ses admirateurs, sa compagne poursuit sa gestation à quelques dizaines de mètres dans sa « loge », surveillée 24 heures sur 24 grâce à cinq caméras et un micro. Depuis mercredi après-midi, quatre écrans géants équipent le pavillon des pandas. Ils retraceront pour les visiteurs la « saga » de Huan Huan et Yuan Zi,
arrivés en France 2012 par avion spécial. Un film illustrera la difficile reproduction des pandas avec une scène drolatique de l’accouplement raté en mars dernier, suivi de l’insémination artificielle durant la courte période de chaleurs de Huan Huan. Les fans pourront aussi revoir l’annonce de la gestation d’un, puis deux bébés, avec des images des échographies qui ont révélé la présence des fœtus. Après la mise bas, le zoo projettera aussi des images de la naissance et de l’intimité de la mère avec ses petits.
Pour voir évoluer toute la petite famille dans son enclos, il faudra attendre cependant au moins trois mois : le temps que les jumeaux – 100 grammes à la naissance – ouvrent les yeux, se couvrent de poils et prennent des forces, explique Delphine Delord, directrice de la communication de Beauval.
D’ici là, c’est un véritable parcours du combattant qui attend le chef vétérinaire du zoo Baptiste Mulot et la responsable du secteur pandas, Delphine Pouvreau. En effet, dans la nature, en cas de naissance de jumeaux, la mère abandonne celui qu’elle juge le moins robuste. « Les soigneurs devront donc placer un petit en couveuse puis échangeront les bébés toutes les deux heures pour les confier à tour de rôle à leur mère, explique le chef vétérinaire. La naissance est un moment très délicat… Les bébés sont tout petits, très fragiles : sans poils, tout roses… À la vérité, ça ne ressemble pas à grand chose. Cela va se jouer minute par minute, seconde par seconde, avertit-il. Il n’y aura donc pas de retransmission en direct, pour ne pas mettre la pression à l’équipe. Heureusement, nous pouvons compter sur l’expérience des deux spécialistes chinoises », Duan Dong Qiong et He Ping, venues pour l’occasion de la base de reproduction des pandas à Chengdu (province du Sichuan, sud-ouest de la Chine), se félicite le vétérinaire, visiblement rassuré par leur présence pour ce moment unique de sa carrière. « Elles sont très tatillonnes. Il faut leur fournir tout le matériel dont elles ont l’habitude. Par exemple, elles ont demandé une cuillère à long manche. On en a trouvé une au supermarché du coin, mais ça n’allait pas vraiment », avoue-t-il. Elles ont même apporté dans leurs bagages du colostrum, le précieux premier lait sécrété par les mamelles après la mise bas : ce liquide jaune et épais qui regorge de nutriments et d’anticorps est indispensable au nouveau-né dans les premières heures de sa vie.
En dehors de Chine, seuls 19 parcs zoologiques dans le monde possèdent des pandas. Huan Huan et Yuan Zi ont été prêtés pour dix ans. Comme le veut la règle, ils n’ont pu venir en France qu’après que le chef de l’État français – Nicolas Sarkozy à l’époque – l’eut demandé en personne au président chinois. C’est dire que la naissance annoncée est aussi un événement diplomatique : selon l’usage, si tout se passe bien, Brigitte Macron sera – avec la Première dame chinoise – la marraine des deux bébés pandas, qui retourneront en Chine d’ici à trois ans, lorsqu’ils seront sevrés.
Ils y croiseront peut-être le bébé panda géant né lundi dans la province du Sichuan (centre-ouest)., après l’union d’une femelle en captivité et d’un mâle en liberté, ce qui est une première mondiale, a déclaré l’agence de presse officielle Xinhua. C’est le premier panda géant né de l’accouplement, en mars, d’une mère captive – Cao Cao, 15 ans – et d’un père sauvage. La naissance de ce panda est le résultat des efforts des chercheurs, qui espèrent améliorer la santé et la diversité génétique des pandas captifs en les amenant à s’accoupler avec leurs homologues sauvages vivant en forêt, a indiqué Zhang Zhizhong, du Centre de conservation et de recherche de la Chine pour le panda géant, cité par l’agence Xinhua. Avec seulement 471 pandas captifs dans le monde fin 2016, l’espèce court un risque de consanguinité, a indiqué Xinhua.
Cao Cao, en captivité depuis ses deux ans, a été relâchée dans la nature en mars pour une période de deux mois. Elle portait autour du cou des dispositifs de géolocalisation et d’enregistrement. Ce matériel a permis de savoir qu’après avoir été en chaleur le 11 mars, Cao Cao s’est accouplée avec un mâle sauvage le 23 mars, et ce pendant une minute et 30 secondes. Le bébé panda pesait 216 grammes, dépassant le poids habituel à la naissance qui est d’environ 150 grammes pour cette espèce, bénéficiant du bon appétit de sa mère Cao Cao pendant la grossesse.
Les pandas géants ont la réputation d’être maladroits lors de l’accouplement : on considère que les mâles peinent à discerner quand la femelle est dans le bon état d’esprit et ne savent souvent pas quoi faire ensuite. Dans le cas où deux animaux se sentent compatibles, l’acte sexuel est souvent bien trop rapide pour que la femelle soit fécondée. De plus, cette dernière n’est réceptive que deux ou trois jours par an aux avances masculines, entre février et mai.
On estime que moins de 2 000 pandas géants sont encore présents dans la nature, dans trois provinces du centre sud de la Chine.