Une bonne et une mauvaise nouvelle. Commençons par la bonne : la tendance est à la biodiversité cet été dans les médias. La nature envahit les kiosques, les hors-série sur le sujet éclosent en nombre. Mauvaise nouvelle : dans cette moisson, l’ivraie concurrence férocement le bon grain. A côté des hors-série de l’Obs (La Bataille de la biodiversité) ou du Monde diplomatique (La Mer, histoire, enjeux, menaces), la presse néo-conservatrice (pour rester poli) fait tonner ses grandes orgues pour sauver la planète de la terrifiante menace écologiste. Front populaire, la revue de Michel Onfray, publie un numéro intitulé Leur écologie et la nôtre. Vous savez, Michel Onfray, c’est ce philosophe extrêmement cohérent, auteur en 2005 d’un Traité d’athéologie –dans lequel il pourfendait les monothéismes, tous animés selon lui par une même pulsion de mort, partageant une même haine de la raison et de l’intelligence, de la liberté et des livres, de la vie et de la sexualité, des femmes et du plaisir- et en 2021 d’une vibrante défense de la messe en latin et du rite tridentin. La première ligne de l’édito donne le ton :« C’est une vague verte qui tourne à la marée noire ». Brrr. Suivent la ritournelle de la défense de la ruralité par un syndicaliste agricole (concrètement, une ode à l’agro-industrie et au glyphosate), le couplet « climato-réaliste » (c’est ainsi que l’on désigne désormais, dans la fachosphère et sa banlieue, les négationnistes du climat), et l’analyse sociologique implacable sur l’origine irrémédiablement bobo des écolos. Sur un schéma rigoureusement identique, avec les mêmes ingrédients, Valeurs actuelles fustige dans un hors-série l’écologie, qualifiée de Nouvelle religion. Dans les deux cas, on retrouve à la manœuvre l’ancien ministre Luc Ferry, en pleine campagne de promo de son nouveau pamphlet Les sept écologies (on vous la fait courte : il y en a six apocalyptiques et une bonne, la sienne, qui prétend concilier croissance infinie, libéralisme dérégulé et économie circulaire dans « un grand dessein enthousiasmant »).
Il faut savoir gré à Onfray, Ferry, Valeurs actuelles et quelques autres de révéler au grand jour l’arsenal idéologique des tenants de l’ordre ancien. Ils sont en cela d’utiles boussoles. Après tout, une boussole est précieuse même si elle indique obstinément le sud : il suffit de le savoir…