Le mythe de la CDB

1830
⏱ Lecture 2 mn.

Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe est condamné à faire rouler sans fin, jusqu’en haut d’une colline du Tartare, un rocher qui en redescend chaque fois avant de parvenir au sommet. Absurde mouvement, éternel recommencement du labeur : tragique métaphore de la condition humaine. Et pourtant, en ce que la « la lutte vers les sommets » suffit à tout, « il faut imaginer Sisyphe heureux« . De son côté, la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) vient de publier une nouvelle version chiffrée du projet de cadre mondial qui doit être adopté lors la 15e Conférence des parties (COP15) à Kunming, cet automne en Chine. Des objectifs ambitieux y sont affichés à l’horizon 2030 : protéger 30 % des terres et des mers ; restaurer 20 % des écosystèmes prioritaires ; réduire d’au moins deux tiers les rejets de pesticides ; éliminer tout rejet de déchets plastiques ; gérer durablement toutes les zones d’agriculture, d’aquaculture et de sylviculture ; réduire d’au moins 500 milliards de dollars par an les subventions néfastes à la biodiversité. En 2010 aussi, la communauté internationale s’était fixée de nobles buts pour 2020 : aucun n’a été atteint. Alors, elle recommence. Les Conférences sur le climat? D’année en année, les pays y prennent des engagements que, majoritairement, ils ne respectent pas, faute d’un alignement entre grands principes et application concrète. La COP 21 à Paris avait célébré en grande pompe l’objectif de maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des 2°C – si possible 1,5°C –  d’ici à 2100. Le dernier rapport du GIEC a presque officiellement enterré cet espoir sur un d’apocalypse. Pourtant, les conférences continueront à se tenir et à pourfendre, au moins sur le papier, l’explosion des Celcius. Il y a bien quelque chose de sisyphéen dans ce ressac des grands accords pour sauver la planète : peu importe qu’ils ne se réalisent jamais, le tout est de continuer à se fixer un cap. C’est absurde, hypocrite, paradoxal. Mais l’homme est ainsi fait que, si le tourment dans lequel il s’est plongé est sûrement irréversible, il en a au moins la conscience et souhaite, au bord du gouffre, redevenir maître de son destin. Le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité sont « sa chose« , son défi, un rocher qu’il pousse en sachant bien qu’il a toutes les chances de retomber. La volonté de l’en empêcher « suffit à [lui remplir le] cœur« . Dans son éternelle lutte vers un monde plus habitable, il faut imaginer l’humanité heureuse.