La chasse à la glu cause un dommage « irrémédiable » à tous les oiseaux capturés et ne devrait donc pas être autorisée, selon la justice européenne, qui a ouvert mercredi 17 mars la voie à l’interdiction en France de cette méthode décriée, pour l’instant suspendue.
Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du mercredi 17 mars condamne la chasse à la glu. Il a été immédiatement salué par les organisations de défense de l’Environnement y voyant une « grande victoire« , ainsi que par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Cette méthode de chasse dite « traditionnelle » destinée aux grives et aux merles consiste à piéger des oiseaux sur des tiges enduites de colle, appelés gluaux. Les petits oiseaux ainsi capturés sont mis en cage et servent, en chantant, à en attirer d’autres pour les chasseurs. Mais les défenseurs de l’environnement se battent depuis des années pour la faire interdire, dénonçant une méthode « cruelle » et non-sélective qui conduit à la capture d’autres oiseaux que ceux visés, y compris des espèces protégées. Les chasseurs assurent que les oiseaux capturés par erreur sont nettoyés et relâchés. Mais « en dépit d’un nettoyage, les oiseaux capturés subissent un dommage irrémédiable, les gluaux étant par nature susceptibles d’endommager le plumage de tous les oiseaux capturés« , a estimé mercredi la Cour de justice de l’Union européenne.
La Cour a également rejeté l’argument culturel: « le maintien d’activités traditionnelles ne saurait constituer une dérogation autonome au régime de protection » de la directive « oiseaux » de 2009. « L’argument des chasseurs, assurant qu’ils relâchaient les oiseaux des espèces non concernées, a été balayé… Car, en effet, la glu, elle, ne fait aucune sélection entre les oiseaux !« , s’est réjoui dans un communiqué l’association One Voice, félicitant la Cour de « voler au secours des oiseaux« . « C’est donc un réel espoir pour les oiseaux concernés par d’autres types de chasses, notamment celles dites traditionnelles« , a ajouté l’ONG qui avait saisi la justice européenne aux côté de la Ligue de protection des oiseaux (LPO).
La Cour « prend en compte la souffrance animale, ce qui est une avancée remarquable« , a déclaré à l’AFP le patron de la LPO Allain Bougrain-Dubourg. « Je suis partagé entre le bonheur et l’amertume d’avoir perdu tant de temps pour protéger les oiseaux« , a-t-il ajouté. Les chasseurs n’ont eux pas rendu les armes. « Les gens qui crient victoire devraient relire la décision de la cour. Elle n’interdit rien, elle ne fait que renvoyer au Conseil d’Etat« , qui va devoir désormais se prononcer, a souligné Éric Camoin, président de l’Association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive. « Nous allons préparer notre dossier et le présenter au Conseil d’état, en les invitant à venir voir la réalité sur le terrain. Le combat continue« , a-t-il ajouté. Le Conseil d’Etat avait dans un premier temps donné raison aux chasseurs dans cette bataille de la glu. Finalement, fin 2019, il avait demandé à la justice européenne de se prononcer sur la légalité de la chasse à la glu, dont la France est le dernier pays pratiquant dans l’UE. Cette directive « oiseaux » de 2009 interdit les « méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective » d’oiseaux, notamment la chasse à la glu, mais prévoit des dérogations quand « il n’existe pas d’autre méthode satisfaisante« . En attendant cet arrêt de la Cour, la plus haute juridiction administrative française avait en septembre rejeté le recours des chasseurs contre la suspension de cette chasse décidée par l’exécutif. Le président Emmanuel Macron, arbitrant contre les chasseurs et en faveur de sa ministre Barbara Pompili, avait fin août 2020 annoncé cette suspension. Concrètement, le quota de chasse à la glu pour cette saison avait été fixée à zéro.
Auparavant le gouvernement fixait chaque année par arrêté le nombre de spécimens de grives et de merles pouvant être capturés dans les cinq départements du sud-est concernés (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse), pour un total d’environ 40.000. « La France avait décidé de suspendre la chasse à la glu, considérée comme une pratique non sélective. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne conforte cette mesure de protection de la biodiversité« , a réagi sur Twitter Barbara Pompili, en attendant désormais que le Conseil d’Etat rende formellement sa décision sur cette chasse. Les responsables des chasseurs, sollicités par l’AFP, n’ont pas
immédiatement réagi.