Une coopérative d’éleveurs lapons de Suède a obtenu jeudi en justice face à l’État le droit exclusif d’administrer la pêche et la chasse sur les terres de pâturage des rennes, une décision qui devrait faire jurisprudence au bénéfice d’autres communautés de ce peuple autochtone.
La Cour suprême a annoncé reconnaître « le droit exclusifde la coopérative de Girjas, dans l’extrême nord de la Suède, d’administrer la chasse et la pêche en raison de circonstances historiques ». Dans son arrêt accueilli sous les applaudissements de représentants de la minorité venus en habit traditionnel, la plus haute juridiction du pays scandinave précise que ce droit concerne le petit gibier, s’étend à tout le territoire de Girjas à l’exception des terres arables et qu’il s’exercera dorénavant « sans l’accord de l’État ». [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
« C’est la conclusion de dix années de procédures légales et la cour a tranché en notre faveur, c’est fantastique », s’est félicité le président de la coopérative, Matti Berg, auprès de l’AFPTV. Les Lapons, dont la présence dans ces régions remonte à la fin de la dernière période glaciaire il y a 10.000 ans, sont désormais appelés Sames ou Samis et la Laponie « Sápmi », pays des Sames. Le terme suédois « lapon » n’est plus usité dans le pays car jugé péjoratif. Girjas, village d’éleveurs de rennes dont le territoire vallonné s’étend sur 5.500 km2 au nord du cercle arctique, avait saisi la justice en 2009.
Face à l’État, propriétaire foncier depuis la fin du XIXe siècle, les Sames contestent une réforme de 1993 étendant aux chasseurs et aux pêcheurs n’appartenant pas à leur communauté le loisir de tirer le lagopède (ou perdrix des neiges) et autre petit gibier, ainsi que de jeter leurs lignes à mouche dans les cours d’eau de la région. La justice suédoise s’est prononcée en vertu du principe de prescription acquisitive, qui rend pérenne un droit exercé de fait depuis longtemps : en suédois, « des temps immémoriaux ». Dans ce dossier, la Cour suprême fait remonter la preuve au milieu du XVIIIe siècle. Les organisations sames rêvent de pouvoir imposer ce principe dans les contentieux les opposant aux entreprises minières et forestières qui leur disputent l’accès aux ressources naturelles. Comme la chasse et la pêche de loisirs, elles estiment que ces activités perturbent les rennes dans leurs pâtures.
Le gouvernement a indiqué étudier l’arrêt de la Cour suprême avant de réagir. Victime par le passé d’une politique d’assimilation brutale, les Sames suédois continuent de dénoncer les discriminations dont ils se disent l’objet de la part de l’Etat. Ils réclament notamment la ratification par Stockholm de la convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le droit des peuples autochtones.
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