Moins de lumières dans la nuit : des maires ont sauté le pas avec le confinement

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De plus en plus de communes souhaitent diminuer considérablement l’éclairage des rues la nuit. En plus de faire des économies, cela serait bénéfique pour la biodiversité.

« Encore deux minutes, il sera minuit et vous verrez, toute cette partie sera plongée dans le noir » : malgré l’heure tardive et les températures hivernales de cette nuit de décembre, l’enthousiasme du maire d’Orsay (Essonne) David Ros reste intact.

Depuis le premier confinement instauré en mars dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, sa commune de 16.000 habitants, située au sud de Paris, expérimente l’extinction de l’éclairage public de minuit à 5H00. Seule la zone autour l’hôpital reste éclairée toute la nuit. « On a profité du fait qu’il n’y avait personne dans les rues pour procéder à l’extinction« , explique l’élu socialiste, dont le programme contenait cette mesure qui, passée l’inquiétude de certains, est plutôt « globalement bien acceptée et comprise« .

Depuis son instauration, « entre 15 et 20.000 euros » d’économies ont été réalisées et permettront « de moderniser l’éclairage pour qu’on puisse rajouter des capteurs et avoir petit à petit un éclairage intelligent« . Éteindre la lumière pour préserver la biodiversité et la faune nocturne, réduire l’impact écologique et la facture énergétique : la lutte contre la pollution lumineuse la nuit ne date pas d’hier mais les arguments de ses partisans ont trouvé un nouvel écho avec les rues désertées par le confinement et la crise économique qui menace de gréver les finances locales.

Certains maires avaient déjà « une réflexion préalable sur la question » et le confinement leur a donné « un prétexte pour agir« , confirme Anne-Marie Ducroux, présidente de l’association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne (ANPCEN). D’autres, qui n’étaient pas forcément sensibilisés à la question, « se sont posé de nouvelles questions et prolongeront peut-être cette expérience ponctuelle au-delà du confinement« , espère-t-elle. Converties temporairement, ces villes, pourraient venir gonfler les rangs des 12.000 communes sur 35.000 qui éteignent depuis plusieurs années déjà l’interrupteur pendant la nuit.

Situé dans la banlieue de Dijon (Côte-d’Or), le village de Magny-sur-Tille, fait partie des précurseurs : ses 900 habitants vivent sans éclairage public de minuit à 5H30 depuis un référendum, en 2009, où le « oui » l’a emporté aux deux tiers. Au-delà des économies réalisées – « de 30 à 40%, soit environ 4.000 euros » par an-, l’extinction a surtout permis de « respecter le cycle naturel et la vie animale« , rapporte le maire sans étiquette Nicolas Bourny. « C’est bon pour la biodiversité, pour les chauves-souris par exemple, qui mangent les moustiques, mais c’est aussi bon pour les personnes car l’obscurité, qui évite les perturbations endocriniennes, fait partie du bien vivre« .

Quant à l’argument sécuritaire, brandi par certains maires qui hésitent à sauter le pas, l’élu indique n’avoir « vu ni de hausse ni de baisse du nombre de cambriolages » et assure avoir « gagné en tranquillité publique« . « Les rassemblements de jeunes, qui duraient jusqu’à 2-3h du matin ont disparu : désormais, dès que ça s’éteint, ils disparaissent« , note-t-il, tout en concédant que cette mesure n’est pas forcément applicable aux plus grandes villes où les « enjeux de sécurité sont complètement différents« .

À Bordeaux justement, la nouvelle équipe municipale pilotée par l’écologiste Pierre Hurmic « souhaiterait proposer une extinction des éclairages de 1H00 à 5H00 sur les zones peu fréquentées, non utilisées« . Le centre-ville ne sera pas concerné ni les zones « dites sensibles » d’un point de vue de sécurité, précise à l’AFP Laurent Guillemin, adjoint au maire chargé de la « sobriété dans la gestion des ressources naturelles ». « On n’aura pas d’état d’âme à éteindre un grand axe s’il est très peu fréquenté » mais « il est hors de question de faire de l’extinction d’éclairage pour le principe de faire de l’extinction, on n’est pas des ayatollahs ». Pour Anne-Marie Ducroux, l’objectif n’est « évidemment pas d’éteindre partout » mais bien « de changer d’optique » en partant « des vrais besoins des gens : est-ce que ce lampadaire est vraiment utile ? Est-ce qu’il pourrait être supprimé ou être éteint plus tôt ? » En « seulement vingt ans« , la quantité de lumière émise la nuit a augmenté de 94%, c’est « absolument colossal« , martèle-t-elle. Il est donc temps « au XXIe siècle de se poser des questions sur ce sujet« , à l’image des Français qui selon un sondage publié en 2018 sont désormais à 79% favorables à la réduction de l’éclairage public la nuit, contre 48% en 2012.