Alors que les dates de la COP 15 Biodiversité ont officiellement été annoncées, plusieurs rapports, dont ceux du Forum économique mondial et du WWF France, détaillent comment la croissance économique va devoir se faire une alliée de la nature – avec d’immenses bénéfices la clé.
Prévue initialement en octobre 2020, annulée en raison de la pandémie de la Covid-19, la 15e conférence des parties (COP 15) signataires de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se tiendra finalement du 17 au 30 mai 2021, toujours à Kunming en Chine. Il est probable qu’elle soit placée sous le sceau de la relance économique verte : de nombreux rapports exposent les liens de plus en plus évidents entre la perte de biodiversité et l’économie mondiale. Cette année, le rapport sur les risques mondiaux du Forum économique mondial a placé la « perte de biodiversité » au deuxième rang des risques les plus importants et au troisième rang des risques les plus probables pour la prochaine décennie. En amont de la COP, le gouvernement britannique publiera le rapport Dasgupta sur l’économie de la biodiversité. Le 14 juillet dernier est paru « The Future of Nature and Business« , le deuxième des trois rapports de la série New Nature Economy du Forum économique mondial (WEF), qui fournit les informations pratiques nécessaires pour prendre l’initiative d’une transition vers une économie favorable à la nature. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Le rapport cite des exemples existants dans lesquels les résultats commerciaux des entreprises ont été améliorés par des résultats positifs pour la nature : l’agriculture intelligente utilisant des capteurs et des images satellites en Indonésie a ainsi amélioré le rendement moyen des cultures de 60 %. En Italie, après l’exposition universelle de Milan en 2015, qui a couvert 100 hectares, les terres ont été réaménagées et transformées en un « European Innovation Hub » – un centre scientifique et un quartier urbain qui comprend des infrastructures intelligentes et respectueuses de la nature et qui a créé environ 1 000 emplois. Ou encore au Viet Nam : des communautés côtières y ont vu leurs revenus plus que doubler grâce aux produits de l’aquaculture tels que les coquillages et les huîtres, suite à la restauration de mangroves essentielles. Le rapport montre par ailleurs comment 15 transitions à travers trois systèmes – alimentation, utilisation des terres et des océans ; infrastructures et environnement bâti ; énergie et industries extractives – illustrent le potentiel des transitions favorables à la nature, pouvant générer jusqu’à 10 100 milliards de dollars US de valeur commerciale annuelle et créer 395 millions d’emplois d’ici 2030. En voici quelques exemples :
_Diversification des régimes alimentaires : Quelque 75 % de l’alimentation mondiale provient de douze espèces végétales et cinq espèces animales. Le passage à des régimes alimentaires plus végétaux, avec une gamme plus large de légumes et de fruits, peut créer 310 milliards de dollars d’opportunités commerciales par an d’ici 2030.
_Des solutions circulaires : 500 milliards de dollars sont perdus chaque année en raison des vêtements mis au rebut. La réutilisation, la remise à neuf et le recyclage des vêtements pourraient permettre d’économiser 130 milliards de dollars et d’éviter 148 millions de tonnes de déchets textiles d’ici 2030. Et quelque 870 milliards de dollars peuvent être économisés en remettant à neuf et en réutilisant certaines pièces automobiles d’ici 2030.
_Des infrastructures intelligentes : La création à grande échelle de bâtiments intelligents et l’utilisation de capteurs intelligents pourraient permettre d’économiser environ 940 milliards de dollars d’ici 2030.
_Les énergies renouvelables : Le secteur des énergies renouvelables devrait offrir des possibilités à hauteur de 650 milliards de dollars, un retour sur investissement de plus de 10 % et des millions de nouveaux emplois d’ici 2030. L’énergie solaire sans subventions correspond au coût des combustibles fossiles dans plus de 30 pays et devrait être moins chère que le charbon en Chine et en Inde d’ici 2021.
De son côté, le Fonds mondial pour la nature (WWF) France, dans son rapport « Monde d’après : l’emploi au cœur d’une relance verte« , a analysé le potentiel en termes d’emplois soutenus (maintenus et créés) et en termes de richesse créée par une entreprise lors du processus de production dans les secteurs économiques clés de la Transition écologique. « Les conclusions sont claires, affirme le WWF dans un communiqué : investir dans la rénovation énergétique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables, de l’électromobilité, des transports en commun, du vélo, de l’agriculture bio ou encore du tourisme vert permettrait de soutenir plus d’1 million d’emplois d’ici 2022. D’après les modélisations du cabinet EY, un tel plan de relance vert représente deux fois plus d’emplois soutenus d’ici 2022 qu’un plan de relance ‘business as usual’ (sans ambition pour la transition écologique) et trois fois plus d’emplois d’ici 2030. » Ce plan de relance verte, qui nécessiterait une investissement supplémentaire de 14 milliards d’euros par an sur la période 2020-2023 selon le WWF, pourra bénéficier à l’ensemble du territoire, « avec plus de 80% des emplois soutenus localisés hors de l’Ile-de-France en 2030. Grâce au développement des énergies renouvelables et aux activités liées à la transition des secteurs agricoles et touristiques, les territoires ruraux seraient aussi fortement bénéficiaires. »
Mais la croissance économique verte ne pourra s’effectuer sans responsabilisation du monde de l’entreprise : c’est en substance ce qu’a affirmé le Docteur Eugenie Regan, de l’initiative IBAT (Outil d’Evaluation Intégrée de la Biodiversité) à Environmental Finance. Selon elle, les préoccupations croissantes du public concernant la perte de la nature et la dégradation de l’environnement placent de plus en plus les sociétés financières et les grandes entreprises sous son examen minutieux. « Les projets mal gérés, qui ont des répercussions importantes sur la biodiversité, peuvent déclencher des campagnes militantes très médiatisées, saper la licence d’exploitation d’une entreprise, réduire son accès au financement, augmenter les coûts d’exploitation et affecter le moral et la fidélisation du personnel« , rappelle-t-elle. C’est dans ce cadre que l’outil IBAT a été créé : « Il existe un certain nombre de bases de données qui fournissent des informations détaillées et actualisées à un niveau de granularité suffisamment élevé pour être utiles au niveau des projets. Nous réunissons les trois bases de données qui font le plus autorité dans l’Outil d’Evaluation Intégrée de la Biodiversité (IBAT), un outil de cartographie et de reporting en ligne, afin d’accélérer considérablement le processus de dépistage des risques liés à la biodiversité dans les entreprises. »
Le rapport du Forum économique mondial
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